Introduction : je vais évoquer l'ambiguïté 5 relayée par Oukacha dans son livre, qui d'ailleurs est comme les précédentes et apporter les réponses qui conviennent...


Majid Oukacha : "Pourquoi Allah empêche-t-Il des humains de se sortir de la mécréance qu’Il criminalise pourtant ? Nous avons vu qu’Allah guide vers le droit chemin islamique qui Il veut et qu’Il égare de ce droit chemin qui Il veut. Mais il semblerait également qu’Allah puisse maintenir les incroyants dans leur mécréance, et même les empêcher d’en sortir, ce qui revient pour Allah à accomplir et à entretenir ce contre quoi Il prétend pourtant lutter et sévir. À la sourate 2 du Coran, aux versets 6 et 7, Allah a ainsi dit ► Certes ceux qui ne croient pas, cela leur est égal que tu les avertisses ou non : ils ne croient pas. Allah a scellé leurs cœurs et leurs oreilles, et un voile épais leur couvre la vue, et pour eux il y aura un énorme châtiment. ◄

Allah informe ici le prophète Mohammed que « ceux qui ne croient pas » persisteront à ne pas croire, quoi que Mohammed leur dise, et Allah ajoute même que ces mécréants s’obstinent à tourner le dos à la foi car Il « a scellé leurs cœurs et leurs oreilles ». Par ce genre de propos, Allah reconnaît Sa responsabilité active et résolue dans l’absence de foi des incroyants. Au verset 25 de la sourate 6, Allah a également prétendu voiler le cœur de ceux qui croient en d’autres divinités que Lui afin de les empêcher de comprendre le discours du prophète Mohammed ► Et il y en a parmi eux qui t’écoutent mais Nous avons mis des voiles sur leurs cœurs qui les empêchent de comprendre [...] ◄. À la sourate 5, au verset 67, Allah a même affirmé ► Ô Messager, transmets ce qui t’a été descendu de la part de ton Seigneur. Et si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas transmis Son message. Et Allah te protégera des humains. Certes, Allah ne guide pas les gens mécréants. 

Mais si Allah « ne guide pas les gens mécréants », alors qui guide-t-Il ? Uniquement les croyants déjà convaincus par l’islam et l’existence d’Allah ? Si l’on en croit cette seule affirmation tautologique, en totale ignorance du reste du Coran, on pourrait en déduire que c’est aux mécréants eux-mêmes de se guider vers la foi en Allah et en l’islam. Dans le même temps cependant, comme on vient de le voir entre les versets 6 et 7 de la sourate 2, Allah a affirmé qu’Il a scellé le cœur et les oreilles de « ceux qui ne croient pas ». Alors pourquoi Allah assume-t-Il d’empêcher les mécréants de croire, tandis qu’Il sait pertinemment qu’Il criminalise l’incroyance au Jour du Jugement dernier ? Comment Allah peut-Il assigner à l’incroyance des mécréants alors que Son objectif martelé dans le Coran à maintes et maintes reprises est pourtant, officiellement, d’encourager et de récompenser la croyance ?"

Oukacha, Majid. 100 contradictions et erreurs scientifiques dans le Coran (French Edition) (p. 21). Édition du Kindle.


La Réfutation :


Coran et guidée : réponses aux objections de Majid Oukacha

Le Coran affirme qu’Allah guide qui Il veut et laisse égarer ceux qui refusent. Des versets comme « Allah scelle le cœur des infidèles » (2:7) semblent contredire Sa justice selon Oukacha. Mais une lecture complète et les commentaires savants montrent que cet « écartement » est la conséquence des choix des gens eux-mêmes, pas une injustice divine arbitraire.

Nous examinerons point par point les versets cités par Oukacha (2:6–7, 6:25, 5:67, etc.) à la lumière des exégèses d’Ibn Kathîr, al-Tabarî, al-Râzî, al-Ghazâlî, etc., et clarifierons les notions de hidaya (guidée) et dalâl (égarement).

1. Contexte des versets clés et sens de hidaya vs dalâl

Le Coran distingue clairement la guidée (hidaya) de l’égarement (dalâl) comme des choix humains soumis à la volonté divine. Par exemple, le verset 28:56 rappelle que « tu ne guides pas ceux que tu aimes, mais c’est Allah qui guide qui Il veut ». Autrement dit, ni le Prophète ﷺ ni quiconque ne peut forcer autrui à croire : « tu ne guides pas ceux que tu aimes ». La guidée est un don d’Allah. Les savants distinguent d’ailleurs deux niveaux de guidée :

  • Hidaya al-irshâd (guidée générale) : ce sont les signes et enseignements disponibles à tous (Coran, nature, conscience, sermons, etc.) qui orientent vers le bien.
  • Hidaya at-tawfîq (guidée particulière) : c’est la facilité divine donnée à certaines personnes pour qu’elles croient et agissent vertueusement. Cette aide spéciale renforce la Foi et la persévérance, au-delà du simple conseil.

Tous ont reçu hidaya al-irshâd (par ex. l’instinct naturel du bien et du mal), mais hidaya at-tawfîq ne se concrétise que chez ceux qui multiplient les efforts et font des invocations (prière, repentir, louange), car Allah dit : « Allah ne change pas l’état d’un peuple tant qu’ils ne changent pas ce qu’ils ont en eux-mêmes ». En somme, Allah offre les moyens de la Foi à tous, mais personne n’est contraint : il guide ceux qui le Lui demandent sincèrement et qui persévèrent, et laisse égarer ceux qui s’obstinent dans l’injustice (leurs propres actions les détournent progressivement de la lumière).

2. Versets sur le « sceau des cœurs » et explications

Oukacha cite plusieurs versets où Dieu semble « empêcher » la Foi de certains. On analyse ces versets et leur contexte théologique :

  • Sourate 2:6–7 : « Ceux qui ont mécru, il leur est égal que tu les avertisses ou non : ils ne croiront pas. Allah a scellé leurs cœurs et leur ouïe, et une couverture épaisse enveloppe leurs yeux (ils recevront) un énorme châtiment. »
  • Cet énoncé concerne les mécréants endurcis après avoir reçu les preuves. Ibn Kathîr explique que Dieu se réjouissait de voir croire « ceux qu’Il voulait rendre heureux », et que les autres « s’égareraient » car ils s’étaient obstinés dans le péché. Al-Qurtubî souligne que la communauté musulmane interprète le scellement des cœurs comme une punition pour leur incrédulité : « Allah a décrit (lui-même) le scellement des cœurs des mécréants comme un châtiment de leur mécréance ». Autrement dit, ces gens-là ont eux-mêmes scellé leur cœur par leurs choix, en désobéissant et en rendant obligatoire la faute (cf. verset 4:155 cité par Qurtubî). Ce n’est pas une injustice : c’est la conséquence logique de leur entêtement. Comme l’explique Ibn Jurayj (d’après Mujâhid), « le sceau (khatm) est apposé sur le cœur quand le péché y prend racine de toutes parts ; cette immersion du cœur dans le péché en fait un sceau ». En d’autres termes, par chaque péché accepté, leur cœur se « froisse » un peu plus, jusqu’à être entièrement fermé.
  • Sourate 6:25 : « Et parmi eux (certains Mécréants) il en est qui t’écoutent, mais Nous avons mis sur leurs cœurs des voiles les empêchant de comprendre, et une surdité dans leurs oreilles. Et quand ils voient chaque signe ils n’y croient pas… » (traduction). Ce verset décrit des polythéistes de La Mecque qui entendaient le Coran sans l’assimiler. Ibn Kathîr rapporte : « [Dieu] fait cela en raison de leur entêtement et de leur reniement » (leur shiddah et ‘inâd). Ainsi, leur obstination (orgueil et préjugés) entraîne que les enseignements divins ne leur profitent pas. Ce n’est pas Allah qui les prive, mais leur propre refus ; ils s’imposent des « voiles » en restant réfractaires aux preuves.
  • Sourate 5:67 : « Ô Messager ! Transmets ce qui t’a été révélé de la part de ton Seigneur ; si tu ne le fais pas, tu n’aurais pas transmis Son message. Allah te préserve des gens. En vérité Allah ne guide pas les gens mécréants. » Ce verset exhorte le Prophète ﷺ à ne rien taire malgré les menaces de certains. L’assertion « Allah ne guide pas les mécréants » signifie que ceux qui restent obstinément incrédules ne reçoivent pas la guidée spirituelle – un principe coranique récurrent. Cela signifie que, ayant rejeté sans examen la vérité, ils deviennent incapables d’y voir clair. Encore une fois, c’est leur choix qui les caractérise : Allah confirme simplement que les gens qui persistent dans le mensonge (une « prétendu histoire des anciens ») n’obtiendront pas d’orientation divine. Comme le rappelle 13:11 : « Allah ne changera point l’état d’un peuple tant qu’ils ne changeront pas ce qui est en eux-mêmes ». Les mécréants visés sont ceux qui n’ont pas voulu croire en dépit des signes évidents ; ils ont ainsi scellé leur destinée par leur propre ingratitude.

3. Hidaya (guidée) générale vs particulière

Le Coran et les savants distinguent la guidée en deux aspects. D’une part, hidayat al-irshad est la guidée générale que Dieu a placée dans les cœurs et la création (raison, nature, révélation). Tout humain dispose de cette invite interne et des preuves existentielles pour approcher le droit chemin. Par ex. 35:17 : « Nous n’avons assigné à personne de fardeau plus lourd que ce qu’il peut porter. » Et la louange de ceux guidés : « Louange à Allah qui nous a guidés à ceci… nous n’aurions pas été guidés sans qu’Allah ne nous guide » (26:73–74). D’autre part, hidayat at-tawfîq est une aide spéciale, une grâce divine permettant à quelqu’un de transformer la croyance en acte. Comme l’explique al-Marâghî cité dans les traités : « en plus de la guidée générale, Allah accorde une guidée particulière sous forme de tawfîq, d’assistance (ma‘unah), etc. ». Autrement dit, on peut entendre la Vérité (hidayat irshâd), mais n’y succomber vraiment que si Allah donne le tawfîq. Le croyant doit donc appeler Allah à cette hidaya particulière, il faut vouloir la Guidée sincèrement et la rechercher : le Prophète ﷺ priait « Ô modulateur des cœurs, affermis nos cœurs sur Ta religion ». Loin d’invalider le libre arbitre, ce concept souligne que sans la grâce d’Allah la Foi ne se réalise pas pleinement.

4. Justice divine et responsabilité humaine

De nombreux Hadiths et versets soulignent que l’égarement final résulte de l’accumulation de nos actes. Par exemple, un hadith authentique explique que les épreuves (« fitan ») sont présentées aux cœurs comme des tiges d’un tapis ; celui qui cède à la tentation y fait naître une tache noire, celui qui la refuse une tache blanche. À la fin, certains cœurs deviennent « blancs » (durs et fixes dans le bien) tandis que d’autres deviennent « noirs » (totalement aveugles au bien). Ainsi, un cœur ayant multiplié les péchés successifs se couvre de traces noires jusqu’à devenir intolérant à toute bonne guidance. Le Coran évoque cette « saleté » (rans) sur le cœur de l’incrédule : « Non, bien au contraire ! (Le malheur) est à cause de ce que leurs âmes ont acquis » (83:14) – c’est donc le résultat de leurs œuvres. De même, Dieu affirme dans 6:125 : « Qui Allah veut guider, Il lui ouvre le cœur ; et qui Il veut laisser égarer, Il rend son cœur étroit… Ainsi Allah met sur les infidèles une impureté (voile) ». En résumé, le châtiment ultime et l’« égarement » décrit dans ces versets sont la conséquence des propres injustices et aveuglements des personnes, non une arbitraire injustice divine. Il faut donc faire les bons choix...

Allah ne traite personne injustement : « Allah ne sera pas injuste au point de même peser (un atome) » (4:40). Au contraire, les versets cités insistent sur le choix humain. Par exemple, 13:11 dit qu’Allah ne changera pas la condition d’un peuple tant qu’ils ne changent pas eux-mêmes ce qu’ils sont. En outre, des hadiths affirment que « celui qui appelle vers le bien recevra la même récompense que celui qui l’accomplit » – indiquant que guider quelqu’un vers la Foi profite à l’initiateur et que c’est bien celui qui donne la preuve du droit chemin qui permet la guidance, pas le destin divin forcé.

5. Synthèse des réponses classiques

En résumé, les savants clarifient que :

  • Les cœurs sont scellés en punition : Les cœurs sont scellés par Dieu mais en raison de l’incrédulité des gens. C’est un constat, non une injustice.
  • Ne pas confondre cause et effet : Ce n’est pas qu’Allah force au mal ; c’est que les humains ont obstinément choisi le mal. Le scellement survient après qu’ils ont persévéré dans le mensonge.
  • Pas de contrainte, mais des conséquences : Dieu n’a pas empêché la Foi à l’origine. Il a, au contraire, envoyé avertissements et moyens. Ceux qui persistent voient simplement leurs cœurs se fermer progressivement.
  • Deux types de guidée : Tous reçoivent la guidée générale (signes, révélations). La guidée particulière (tawfîq) se manifeste chez ceux qui multiplient les efforts et les invocations sincères – un don d’Allah qui vient en réponse à leur sérieux.
  • Justice d’Allah : Allah ne peut être accusé d’injustice car le Coran affirme qu’Il ne punit que selon ce que chacun a mérité (4:40). La punition de l’égarement repose sur la rétribution de leurs actes (ex. 10:100 : « Nous ne châtions que les injustes par leurs fautes »).

Conclusion

En conclusion, il n’y a pas de contradiction réelle dans ces versets. Ils décrivent simplement la loi spirituelle coranique : Dieu guide sincèrement ceux qui Le cherchent et ferment leurs cœurs à ceux qui Le repoussent sans cesse. Comme l’expliquent les savants, les cœurs sont fermés en raison de la désobéissance humaine, pas de l’arbitraire divin. Allah appelle chacun au pardon et à la guidée (Coran, Sunnah) – et il récompense quiconque répond positivement. Enfin, Allah rappelle qu’Il est le Plus Juste et Tout-Sachant : « Tu verras les injustes effrayés, sans défense contre le pouvoir d’Allah, et il n’y aura pour eux de secoureur » (20:111). Notre confiance doit rester dans Sa sagesse et Sa justice, sachant qu’Il ne guide que par Son immense miséricorde et qu’Il n’inflige le châtiment qu’à ceux qui persistent dans l’injustice.

Sources : Coran et exégèses classiques (Ibn Kathîr, al-Qurtubî, etc.) ainsi que hadiths réputés