“Bon musulman / mauvais musulman” : une grille de lecture toxique qui empoisonne le débat français
Le “bon Musulman” d’aujourd’hui ? Celui qui rabaisse sa religion et reprend la propagande contre ses propres frères. Celui qui refuse d’être docile devient aussitôt un “mauvais Musulman”.

Depuis plus de vingt ans, la vie publique française est traversée par une mécanique aussi vieille que les empires : la distinction artificielle entre le “bon musulman” et le “mauvais musulman”.
Un tri moral, politique et médiatique qui n’a rien à voir avec la religion, et tout à voir avec la manière dont le pouvoir imagine les musulmans.
Cette logique s’est imposée en France avec une facilité déconcertante.
Un soupçon permanent
Dans cette vision, le musulman n’est jamais neutre : il est présumé coupable tant qu’il n’a pas prouvé sa “bonne” nature.
Il doit rassurer, expliquer, se justifier, condamner, se désolidariser.
Sa citoyenneté n’est plus un droit : c’est un examen permanent.
Le “bon musulman” est celui que l’on voit peu, que l’on entend encore moins, et qui accepte sans protester les caricatures, les amalgames et les lois d’exception.
Le “mauvais musulman” n’est pas celui qui fait du mal :
c’est celui qui refuse de s’excuser d’exister, celui qui garde sa dignité, sa visibilité, ses droits.
Une classification politique, pas religieuse
Ce qui est frappant, c’est que cette distinction n’a rien de religieux.
Elle est entièrement politique.
Elle ne repose pas sur la foi, la pratique ou les valeurs, mais sur la posture face au pouvoir :
- celui qui se tait, applaudit ou accepte l’injustice : bon ;
- celui qui conteste, défend ses droits ou dénonce l’islamophobie : mauvais.
Ce type de tri a existé avant.
Le Juif d’Europe, autrefois, n’était pas jugé sur sa religion, mais sur son “rapport” au système.
Aujourd’hui, le musulman subit le même basculement : d’une identité culturelle ou spirituelle à une identité politisée, sur laquelle il n’a plus prise.
Une mécanique qui fabrique de la fracture
En France, cette vision se traduit par des politiques publiques spécifiques :
- interdiction des signes religieux ciblant une seule communauté ;
- soupçon généralisé d’“islamisme” pour des pratiques ordinaires ;
- fermetures administratives arbitraires ;
- amalgames permanents entre piété et dangerosité ;
- injonction de prouver sa loyauté.
Cette logique ne produit ni cohésion ni sécurité.
Elle fabrique de la frustration, de la méfiance et de la colère.
Elle empêche les véritables débats : emploi, logement, école, discriminations, justice.
Rejeter le piège
Opposer les musulmans entre eux n’a jamais produit la paix sociale.
C’est un piège, et il est temps de le dire clairement.
Il n’y a pas de “bons” ou “mauvais” musulmans.
Il y a des citoyens, avec des droits, des devoirs, des aspirations légitimes et une dignité.
Ce qui fragilise la République, ce ne sont pas les musulmans :
c’est la tentation de leur demander sans cesse de prouver ce qu’ils ne sont pas.

Conclusion
La distinction “bon musulman / mauvais musulman” n’est pas une analyse : c’est un outil politique qui empêche de regarder la réalité en face.
Elle détourne l’attention des vrais enjeux et transforme des millions de personnes en suspects perpétuels.
La dépasser, c’est refuser la peur fabriquée et reconstruire le débat public sur des bases plus justes, plus honnêtes et plus humaines.
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