"Si le gouvernement interdit aux imams venant de l'étranger de combler le manque criant de cadres religieux, tout en fermant simultanément les meilleurs centres de formation français, que reste-t-il aux musulmans de demain ? Cette politique contradictoire pose une question fondamentale : veut-on réellement une liberté de culte pour les français musulmans, ou cherche-t-on délibérément à maintenir la communauté musulmane dans un vide ?

Le message envoyé aux musulmans est clair et inquiétant : ni formation à l'étranger, ni formation en France. Cette double interdiction révèle une stratégie d'asphyxie qui ressemble à une ambition de désislamisation des français Musulmans."


Le 3 septembre dernier, le gouvernement français annonçait par décret la dissolution de l'Institut Européen des Sciences Humaines (IESH). Les motifs invoqués sont d'une extrême gravité : promotion d'un "islam radical", légitimation du "jihad armé", propos discriminatoires et incitation au terrorisme.

Pourtant, l'institut est aux antipodes de toutes ces accusations comme le démontrent parfaitement ces trois dernières décennies : l'ancien doyen de l'institut, Larbi Becheri, et son avocat, Me Sefen Guez Guez, dépeignent une réalité radicalement opposée et dénoncent une décision purement politique.

Un institut aux antipodes du rapport officiel

Loin de l'image d'un foyer de radicalité, l'IESH se présente comme un institut apolitique dont la mission était de dispenser un enseignement théologique traditionnel, et avec une particularité essentielle : la contextualisation. M. Becheri qualifie les accusations de "calomnie" et insiste sur la méthode rigoureuse de l'institut, qui consistait à analyser les textes (Coran et Hadith) en cinq étapes — du sens linguistique à la finalité du texte — avant d'envisager leur application dans le contexte laïque français. Une démarche intellectuelle à l'opposé de la "lecture littérale" reprochée par le ministère de l'Intérieur.

L'ancien doyen réfute point par point les griefs. Sur l'inégalité homme-femme, il affirme que l'administration a délibérément ignoré les 148 pages de réponses et d'annexes fournies par l'IESH, qui contenaient des commentaires de cours prouvant "exactement le contraire". Concernant les liens avec le terrorisme, il souligne que les huit anciens étudiants cités dans le décret n'ont eu qu'un passage éclair à l'institut, souvent pour des cours d'arabe et non de théologie, et que leurs actes ont été commis des années, voire des décennies plus tard. Il rappelle même que l'IESH a, par le passé, signalé des profils jugés problématiques aux autorités, preuve de sa coopération.

"Tout ce qui est dit sur l'IESH est l'inverse de la réalité", martèle Larbi Becheri, dénonçant un manque total de vérification de la part de l'administration, alors que l'institut a toujours pratiqué une politique de "portes ouvertes".

Une dissolution perçue comme une manœuvre politique

Pour Maître Sefen Guez Guez, l'avocat de l'IESH, le dossier est vide sur le plan juridique. La décision de dissolution relèverait d'une stratégie politique cynique. Selon lui, l'objectif du gouvernement est d'obtenir un "crédit politique" et une "victoire politique" en affichant une fermeté contre un prétendu "entrisme frériste".

Cette manœuvre s'inscrirait dans un contexte plus large où, selon l'avocat, la France "est en train de basculer vers l'extrême droite". La dissolution de l'IESH serait un signal envoyé à cet électorat, une tentative de récupérer des thématiques sécuritaires et identitaires. Maître Guez Guez y voit une volonté de "détricoter le tissu associatif musulman" et d'empêcher la communauté de former ses propres cadres religieux sur le sol français, ce qui constitue une atteinte directe à la liberté de culte et au principe de laïcité.

Le détail qui change tout : l'auto-dissolution de l'IESH

Un élément crucial, largement ignoré par le gouvernement, rend la décision encore plus contestable : l'IESH avait déjà entamé une procédure d'auto-dissolution bien avant le décret ministériel. Confronté à des "difficultés lourdes", notamment le refus systématique des banques de lui ouvrir un compte depuis plusieurs années, l'institut était asphyxié administrativement et financièrement. Le gel de ses avoirs en juin a été le coup de grâce.

Le fait que le gouvernement ait choisi de dissoudre par la force une structure qui était déjà en train de fermer ses portes renforce l'idée d'une mise en scène politique. L'objectif n'était pas de neutraliser une menace, mais de construire un trophée à brandir sur la scène publique.

Face à ce qu'ils considèrent comme une injustice et une persécution, les anciens dirigeants de l'IESH ont annoncé leur intention de contester le décret devant le Conseil d'État. Leur but : défendre l'honneur, la réputation et l'héritage d'un institut qui, pendant plus de trente ans, a formé des centaines de cadres religieux et d'étudiants, et qui se retrouve aujourd'hui au cœur d'une bataille qui dépasse largement son propre cas pour interroger la place de l'islam et des musulmans en France.


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