La propagande islamophobe de Vivi-Apostat : un extrémisme en miroir
À plus forte raison, le massacre aveugle de personnes innocentes en temps de paix n’a aucune place dans la religion musulmane.

Avant de rentrer dans le vif du sujet :
La propagande islamophobe de Vivi-Apostat : un extrémisme en miroir
Il est essentiel d’alerter sur la dangerosité de la rhétorique de Vivi-Apostat, qui se prétend "ex-musulman" mais agit en réalité comme un militant islamophobe radicalisé, dont le discours s’apparente sur bien des aspects à celui des groupes terroristes qu’il prétend dénoncer.
En effet, la méthode qu’il emploie – sortir des textes religieux de leur contexte, les durcir à l’extrême, ignorer volontairement toute explication savante, puis en faire des généralités pour accuser l’islam dans son ensemble – est exactement celle qu’utilise Daech. Daech isole des versets ou des extraits de fiqh, les instrumentalise sans méthode ni conscience historique, et en fait un outil de manipulation mentale. Vivi-Apostat fait la même chose, à l’envers : il ne veut pas recruter pour ladite guerre sainte (ce qui d'ailleurs n'existe pas en islam comme expression), mais pour la guerre contre l’islam mais.... Et là c'est inquiétant...
Cette symétrie perverse est l’un des grands dangers de notre époque. Car ce genre de discours peut avoir des effets dévastateurs : en diffusant des accusations violentes, mensongères et simplistes contre l’islam, il risque d’alimenter un sentiment d’injustice, de colère ou de rejet chez certains jeunes musulmans fragiles ou en perte de repères, qui n’auront pas les outils nécessaires pour discerner le vrai du faux. Le piège est alors double : d’un côté, les islamophobes leur disent que leur religion est criminelle, de l’autre, les extrémistes kharidjites les appellent à “venger” cette religion en commettant l’irréparable.
Vivi-Apostat devient ainsi un maillon utile dans la chaîne de radicalisation, malheureusement, en prétendant "révéler la vérité sur l’islam" tout en en déformant les enseignements, en diabolisant les croyants et en caricaturant des siècles de pensée théologique et juridique. C’est une mécanique identique à celle de Daech, mais inversée. Les uns justifient le terrorisme au nom de l’islam, les autres nourrissent la haine contre les musulmans au nom de la lutte contre le terrorisme. Dans les deux cas, le résultat est le chaos.
C’est pourquoi il est urgent de dénoncer ce genre de propagande islamophobe, non seulement parce qu’elle nuit à la vérité, mais parce qu’elle met en danger la société tout entière. Elle fabrique de la division, de la peur, de la frustration – et dans certains cas, elle peut même pousser des âmes fragiles à basculer dans la violence, pensant qu’il n’y a plus de place pour elles dans ce monde. Loin d’apaiser, cette propagande jette de l’huile sur le feu.
Face à cela, la seule réponse valable est le retour au savoir authentique, au discernement, à l’écoute des savants qualifiés, à la nuance, à la responsabilité. Ni Daech ni Vivi-Apostat ne peuvent parler au nom de l’islam – ni pour le déformer, ni pour le salir.

Introduction :
Un tweet récent de l’utilisateur se faisant appeler « Vivi-Apostat » cite un passage du Minhāj aṭ-Ṭālibīn de l’imam an-Nawawī (XIII siècle) pour insinuer que le jihād en islam légitimerait des pratiques terroristes – y compris celles de Salah Abdeslam, l’un des auteurs des attentats de Paris. Cette interprétation est non seulement erronée, mais elle traduit une méconnaissance profonde du droit musulman classique et de l’éthique islamique. Afin de rétablir la vérité, il est nécessaire de :
- Resituer le jihād dans son contexte juridique classique, où il obéit à des règles strictes, relève d’une autorité légitime et répond à un contexte géopolitique particulier (défensif ou expansion contrôlée de l’État/empire musulman de l’époque) ;
- Montrer que le jihād authentique n’a rien à voir avec le terrorisme aveugle pratiqué de nos jours par des groupes comme Daech ou Al-Qaïda, ni avec des actes tels que ceux de Salah Abdeslam ;
- Dénoncer l’instrumentalisation de textes anciens hors de leur contexte pour attaquer l’islam – une démarche typique de la rhétorique islamophobe moderne ;
- S’appuyer sur l’avis de savants musulmans contemporains crédibles pour conforter ces explications, et enfin ;
- Rappeler les principes éthiques islamiques qui interdisent formellement de tuer des innocents, de commettre des attentats ou d’agir sans légitimité étatique ou morale.
1. Le jihād dans la tradition juridique classique : un cadre étatique et réglementé
Dans la jurisprudence islamique classique, le jihād (souvent traduit par « guerre sainte », bien que l’expression « guerre sacrée » soit étrangère à la langue arabe) s’inscrit dans un cadre légal strict et étatique. Les manuels de fiqh (droit musulman) médiévaux – tel le Minhāj aṭ-Ṭālibīn de l’imam an-Nawawī, référence de l’école shâfi‘ite – comportent typiquement un « Livre du jihād » exposant en détail les règles de la guerre en islam. Loin d’appeler à une violence anarchique, ces traités codifient qui peut déclarer la guerre, comment elle doit être menée et quelles limites morales ne doivent jamais être transgressées.
Premièrement, le jihād militaire y est conçu comme une responsabilité collective (farḍ kifāya) incombant à la communauté musulmane sous la direction d’un État légitime. Il ne s’agit pas d’un « devoir personnel » pour chaque individu en tout temps, encore moins d’un droit accordé à des particuliers d’user de violence de leur propre initiative. La décision d’entrer en guerre appartient au souverain légitime (calife ou chef d’État) après mûre réflexion sur l’intérêt général. Le juriste hanbalite Mar‘ī al-Buhūtī (XVII) rappelle par exemple que déclarer le jihād est une prérogative du chef de l’État, qui est le mieux placé pour évaluer la situation des musulmans et de l’ennemi. Autrement dit, aucun individu isolé ne peut, au regard du droit islamique classique, auto-proclamer un jihād de son propre chef.
Deuxièmement, ces ouvrages définissent un contexte géopolitique spécifique au jihād. Classiquement, deux cas de figure sont envisagés : le jihād défensif, lorsqu’une puissance ennemie attaque le territoire musulman (il devient alors obligatoire de repousser l’invasion), et le jihād offensif (ou expansion) dans le cadre de l’affrontement entre États de l’époque médiévale. Ce second cas, souvent cité par les détracteurs de l’islam, consistait en des expéditions menées par l’État musulman pour affaiblir des puissances hostiles ou étendre un territoire après leur avoir laissé le choix entre la paix, l’acceptation de la souveraineté musulmane, ou le conflit – une pratique alors commune à tous les empires. Mais là encore, rien de commun avec le terrorisme : il s’agissait, à l'époque, de guerres entre entités politiques organisées, menées par des armées régulières, avec déclarations préalables, et non d’agressions contre des civils désarmés.
Troisièmement, et surtout, le droit musulman classique impose des règles éthiques strictes dans la conduite de la guerre. Le Prophète Muḥammad lui-même avait édicté ces principes : « Partez au nom de Dieu… Ne tuez ni vieillards, ni enfants, ni femmes… » conseilla-t-il à une armée. Ibn ‘Omar, un Compagnon du Prophète, rapporte également que « le Prophète a interdit de tuer les femmes et les enfants ». An-Nawawī, après avoir cité ce Hadīth dans son Minhāj, souligne que tous les savants sont unanimes pour le mettre en pratique et interdire de tuer femmes et enfants, à moins que ceux-ci ne prennent eux-mêmes part aux combats. Cette protection s’étend par analogie à tous les non-combattants (religieux retirés, paysans, marchands, etc.) qui ne participent pas directement aux hostilités. D’une manière générale, toute cible non militaire est proscrite. On trouve ainsi, dans presque chaque manuel classique, des interdits explicites contre le massacre de civils, la destruction gratuite de récoltes, de villages ou d’infrastructures en l’absence de nécessité militaire. Ces règles, qui recoupent largement les notions modernes de « crime de guerre », visaient à encadrer strictement la violence.
En résumé, dans la tradition islamique classique le jihād est une guerre régulée, légitime seulement dans des conditions bien définies et sous autorité reconnue, accompagnée de nombreuses contraintes morales. C’est un contexte radicalement différent de celui du terrorisme contemporain.
2. Un jihād encadré, à l’opposé du terrorisme aveugle
Établir ce contexte classique permet de comprendre à quel point il est abusif d’assimiler jihād et terrorisme. Le terrorisme tel qu’il est pratiqué par des groupuscules extrémistes (Daech, Al-Qaïda, etc.) ou par des individus isolés se revendiquant de l’islam est en réalité étranger et contraire aux principes du jihād islamique.
D’une part, le terrorisme vise délibérément des innocents, en semant la terreur par des attentats aveugles contre des civils. Cela viole frontalement l’éthique islamique, qui accorde un caractère sacré à la vie de chaque être humain. Selon le droit musulman (toutes écoles confondues), il est formellement interdit de cibler des non-combattants – femmes, enfants, personnes âgées, etc. –, que ce soit par représailles ou par attaque initiale. « L’islam insiste sur le caractère inviolable de la vie humaine, et le meurtre indiscriminé de civils contredit ce principe fondamental », rappelle les spécialistes contemporains du fiqh. Des actes tels que bombarder ou mitrailler des passants dans la rue, poser des bombes dans des lieux publics, ou encore se faire exploser au milieu d’une foule sont sans aucune justification du point de vue islamique : ils « vont à l’encontre des enseignements de l’islam » et de ses règles en matière de justice et de guerre. En somme, rien dans la notion légale de jihād ne pourrait légitimer de tels crimes. Au contraire, de tels actes s’apparentent plutôt à la ḥirâba, un terme islamique désignant la « guerre non autorisée contre la société » (brigandage, terrorisme), qui fait l’objet des plus vives condamnations dans le Coran lui-même (Coran 5:33).
D’autre part, le terrorisme autoproclamé « islamique » se dispense de toute autorité légitime et de tout cadre légal. Des individus comme Salah Abdeslam ou des organisations comme l’« État islamique » se sont arrogé le droit de tuer au nom de l’islam sans aucune reconnaissance religieuse ou politique légale. Or, nous l’avons vu, seul un État établi (califat ou État moderne) pouvait, dans le droit musulman, appeler à un jihād militaire. Les attentats clandestins menés en-dehors de tout champ de bataille, au mépris des autorités légitimes (musulmanes comme des pays dans lesquels ils opèrent), ne relèvent en rien du jihād. Aucun des grands imams classiques n’a jamais validé l’idée qu’un particulier puisse de lui-même « déclarer la guerre » à des concitoyens ou à un pays. De telles initiatives individuelles s’apparenteraient plutôt à des assassinats et à du crime organisé, condamnés par la loi islamique.
En réalité, si l’on se penche sur la doctrine classique, la plupart des savants musulmans ont insisté que le jihād n’est autorisé que contre ceux qui font la guerre aux musulmans. « Les incroyants (hostiles, belliqueux et islamophobes) ne doivent être combattus qu’à la condition qu’ils engagent eux-mêmes les hostilités en premier – ainsi l’a établi la majorité des savants, sur la base du Coran et de la Sunna », écrivait ainsi l’éminent théologien Ibn Taymiyya au XIV siècle. Le Coran est sans équivoque : « Combattez dans le sentier de Dieu ceux qui vous combattent, mais ne transgressez pas. » (Coran 2:190). De même, le juriste Ibn al-Qayyim (XIV) soulignait : « Le combat n’est une obligation que en riposte à une agression, et non du fait de la mécréance [de l’adversaire]. C’est pourquoi les femmes, les enfants, les personnes âgées, les aveugles et les moines qui ne participent pas aux combats ne sont pas inquiétés. Nous ne combattons que ceux qui nous font la guerre ». Ces précisions, issues du contexte médiéval, réfutent déjà clairement l’idée d’une guerre sainte totale et indiscriminée contre tous les non-musulmans. À plus forte raison, le massacre aveugle de personnes innocentes en temps de paix n’a aucune place dans la religion musulmane.
Il convient d’ailleurs de noter que les organisations terroristes contemporaines sont universellement rejetées par les autorités musulmanes. Leur idéologie se situe en marge de la tradition islamique : la très grande majorité des musulmans, savants comme fidèles ordinaires, les considèrent comme des khawârij (séparatistes extrémistes sortis du cadre de l’islam). Le consensus musulman, classique et moderne, est clair : le terrorisme n’est pas du jihād, c’est au contraire sa négation. Une formule résume bien cette différence de nature : « Le terrorisme se rapporte au jihād comme l’adultère se rapporte au mariage », c’est-à-dire qu’il en est une perversion sans rapport avec l’idéal noble recherché.
3. Instrumentaliser des textes anciens hors contexte : une démarche islamophobe
Comment le tweet de « Vivi-Apostat » a-t-il pu aboutir à une conclusion aussi fausse que « le jihād légitime le terrorisme » ? La réponse tient à une méthode fallacieuse malheureusement répandue chez les détracteurs de l’islam : citer des textes islamiques anciens en les sortant complètement de leur contexte pour en donner la pire interprétation possible.
Dans ce cas précis, l’extrait du Minhāj aṭ-Ṭālibīn d’an-Nawawī cité sur Twitter doit être compris pour ce qu’il est : la formulation technique d’un avis juridique au XIII siècle, dans un contexte socio-historique donné, au sein d’un manuel de droit. Ces manuels de fiqh sont par nature réducteurs et abstraits : ils énoncent des règles en termes généraux, sans toujours rappeler les conditions préalables ou les exceptions, car ils supposaient que le lecteur (le juriste formé) connaît déjà le contexte d’application. Les lire de manière littérale, sans ce bagage, peut mener à de graves contresens. Un spécialiste contemporain note ainsi que « les manuels de droit [classiques] sont bi-dimensionnels et doivent être expliqués et contextualisés par des spécialistes ». En d’autres termes, une phrase isolée ne fait pas le droit à elle seule – il faut l’insérer dans l’ensemble de la doctrine et de la pratique. An-Nawawī lui-même, dans son ouvrage, compile des avis juridiques de son école ; il ne prétend pas inciter quiconque à la violence, il décrit des règles théoriques applicables à l’époque médiévale dans un cadre bien balisé.
En outre, citer un seul savant ne reflète pas la pluralité des opinions en islam. Dans le cas du statut des moines ou des non-combattants par exemple, l’avis rigoureux attribué à l’école shafi'ite n’était pas le seul existant. D’autres écoles ou savants préconisaient de les épargner strictement – ce que l’histoire atteste d’ailleurs. An-Nawawī rapporte une position juridique, mais « ce n’est pas la seule position au sein de l’école shafi'ite », précise le chercheur Farid Dingle, « et en plus, cela ne reflète pas la réalité de la conduite des musulmans en temps de guerre ». En effet, les musulmans du passé n’ont pas appliqué aveuglément ces lignes strictes hors contexte. Les califes bien guidés, successeurs du Prophète, donnaient des consignes de tolérance : « Vous rencontrerez peut-être des moines retirés dans leurs monastères, laissez-les à leur dévotion… » ordonna Abou Bakr aux armées partant en expédition. « Historiquement, les musulmans ne combattaient pas les non-belligérants et ne tuaient pas les moines », comment le rappellent des études - seekersguidance.org. Autrement dit, prendre un texte de fiqh hors de son contexte peut donner une impression trompeuse qui contredit la pratique réelle et l’esprit général de l’islam.
Il s’agit là d’une stratégie d’instrumentalisation, souvent utilisée par les courants islamophobes : extraire un Verset Coranique ou une ligne de Hadīth/fiqh, en masquer le contexte historique ou littéraire, et s’en servir pour accuser l’islam de tous les maux. On pourrait tout aussi bien citer des passages violents de la Bible ou de la Torah en ignorant volontairement des siècles d’exégèse et de mises en contexte – procédé malhonnête qui aboutirait à diffamer injustement le judaïsme ou le christianisme. Dans le cas présent, Minhāj aṭ-Ṭālibīn est un texte du XIII siècle : le brandir comme une preuve des intentions des musulmans d’aujourd’hui n’a aucun sens scientifique, pas plus que d’accuser les chrétiens actuels sur la base des écrits de croisades médiévales. C’est une manipulation qui vise à faire peur et à attiser la haine, plutôt qu’à éclairer sincèrement le sujet.
En réalité, cette démarche extrémiste de lecture littérale hors contexte est la même que celle des groupes terroristes comme Daech, qui eux aussi piochent dans les textes sans méthode pour justifier leurs crimes. On observe ainsi une étrange convergence entre les propagandistes islamophobes et les idéologues djihadistes : les uns comme les autres isolent des textes à leur avantage, en ignorant volontairement toute explication savante, afin de convaincre leur auditoire que l’islam dicterait la violence. C’est pourquoi combattre ces dévoiements nécessite de revenir aux sources authentiques et à l’interprétation des spécialistes reconnus, plutôt qu’aux tweets et pamphlets biaisés.
4. Ce qu’en disent les savants musulmans contemporains
Face à ces amalgames, les savants musulmans contemporains, toutes sensibilités confondues, ont pris la parole pour rétablir la compréhension correcte du jihād et condamner sans équivoque le terrorisme. Le discours des oulémas d’aujourd’hui est clair : les attentats aveugles et les idéologies extrémistes violentes sont antithétiques à l’islam.
Un événement marquant fut la publication, en 2014, d’une lettre ouverte adressée à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de Daech, signée par plus de 120 dignitaires musulmans (muftis, professeurs de théologie, prédicateurs) du monde entier. Ce document de plusieurs dizaines de pages réfute point par point l’idéologie de l’« État islamique ». Dès le résumé introductif, ces savants établissent que « le jihād en Islam est une guerre défensive. Il n’est pas permis de le mener sans une cause légitime, un but légitime et sans respecter les règles de conduite appropriées ». Autrement dit, le jihād véritable n’est ni anarchique ni offensif par caprice : il doit répondre à une agression ou une oppression avérée, poursuivre un objectif juste (par exemple, la protection de populations opprimées), et se dérouler dans le respect scrupuleux des lois éthiques de l’islam. Les signataires ajoutent dans cette même lettre une série d’interdictions explicites tirées de la loi islamique, au premier rang desquelles : « Il est interdit en islam de tuer des innocents » - rissc.jo. Est également rappelé l’interdit de tuer des émissaires, des diplomates, des journalistes, des travailleurs humanitaires, ou toute personne non impliquée dans les combats - rissc.jo – autant de choses que Daech et consorts ont violées de la pire des manières.
En 2018, une conférence d’oulémas s’est tenue en Indonésie avec des représentants religieux de plusieurs pays (notamment d’Afghanistan, du Pakistan, etc.), pour réfléchir à des moyens de contrer le terrorisme dit « islamiste ». Leur déclaration conjointe a réaffirmé avec force que « la violence et le terrorisme ne peuvent ni ne doivent être associés à aucune religion ». Ils soulignent que « l’extrémisme violent et le terrorisme, sous toutes leurs formes et manifestations – en particulier la violence contre des civils et les attentats-suicides – sont contraires aux principes sacrés de l’islam » - npr.org. Une telle prise de position publique, soutenue par des instances officielles, vise à délégitimer complètement l’usage du terme “jihād” par les terroristes.
De nombreux savants respectés du monde musulman se sont exprimés dans le même sens. Le cheikh ‘Abdallâh Bin Bayyah, érudit mauritanien de renommée internationale, a émis une fatwā détaillée contre l’idéologie de Daech. Il y explique que prétendre rétablir un califat par la force en massacrant des innocents relève d’une lecture totalement aberrante et erronée de la doctrine islamique - npr.org. Dans une interview, il a même qualifié les recrues de ces groupes de « gens sans véritable connaissance religieuse, à la compréhension superficielle et complètement incorrecte », insistant sur le besoin de les rééduquer pour qu’ils reviennent à une compréhension saine de la religion - npr.org.
On pourrait citer également les déclarations d’Al-Azhar (plus haute autorité sunnite basée au Caire) condamnant les « pratiques barbares » de l’État islamique, ou celles du Conseil des Savants d’Arabie Saoudite qualifiant Al-Qaïda et Daech de « ennemis n°1 de l’islam ». En Europe, des conseils théologiques et des fédérations musulmanes ont à maintes reprises diffusé des communiqués et fatwās condamnant fermement les attentats, rappelant que ces actes constituent des péchés majeurs. Par exemple, après les attentats de 2015, des centaines d’imams en France et ailleurs se sont rassemblés pour proclamer : « Pas en mon nom », soulignant que ces criminels ne les représentaient pas.
Le message de l’ensemble de ces voix autorisées est unanime : les groupes terroristes et les individus qui commettent des tueries de masse n’ont aucune légitimité islamique. Ils trahissent au contraire les principes les plus fondamentaux de l’islam. Il est crucial de faire connaître ces positions pour dissiper les amalgames dans l’opinion publique : non, Salah Abdeslam n’est pas un « moudjahid » (combattant du jihād) aux yeux des musulmans – c’est un criminel que l’islam condamne, tout comme il condamne ceux qui sèment l’injustice sur terre.
5. Conclusion : l’éthique islamique interdit l’injustice et le meurtre d’innocents
En définitive, l’éthique islamique est sans ambiguïté quant à la valeur de la vie et à l’interdiction de l’injustice. Le Coran déclare que « quiconque tue une âme innocente… c’est comme s’il avait tué l’humanité entière. Et quiconque sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé l’humanité entière » - egypttoday.com. Le Prophète Muḥammad – que les terroristes prétendent suivre mais dont ils trahissent l’exemple – a strictement mis en garde contre le fait de verser le sang injustement. Il a notamment affirmé : « Celui qui tue un muʿāhid (non-musulman lié par un pacte de protection avec les musulmans) ne sentira pas le parfum du Paradis, même à une distance de quarante ans » - egypttoday.com. Ce hadith, authentifié dans Sahih al-Bukhari, signifie qu’attenter à la vie d’un innocent ou violer un pacte de paix est un péché si grave qu’il ferme les portes du Paradis au meurtrier. On est bien loin de la propagande des fanatiques promettant le Paradis aux kamikazes : l’islam promet plutôt le châtiment à qui tue des innocents.
Ainsi, non seulement les attentats terroristes sont des crimes atroces du point de vue des lois civiles, mais ils constituent aussi de graves péchés au regard de l’islam. Ceux qui les commettent ou les justifient usurpent des concepts religieux pour servir une idéologie de mort. Il est capital de ne pas tomber dans le piège de leur rhétorique, ni dans celui de leurs miroirs inversés (les islamophobes), qui voudraient nous faire croire que ces criminels appliquent réellement l’islam. La réalité, c’est que le jihād légitime n’a rien à voir avec le terrorisme : il s’agit à l’origine d’un effort encadré pour défendre la justice, non d’une foire au massacre.
En remontant aux sources scripturaires et à l’enseignement des savants, on constate que l’islam promeut la justice, la miséricorde et la préservation de la vie. Les musulmans du monde entier – qu’ils soient autorités religieuses ou simples citoyens – condamnent massivement le terrorisme, le considérant comme une trahison de leur Foi. Par conséquent, opposer l’islam à la morale universelle ou aux valeurs humanistes sur la base d’interprétations fallacieuses est non seulement injuste, mais totalement infondé. Au contraire, c’est au nom même de l’islam et de son éthique que les musulmans dénoncent et combattent le terrorisme.
En somme, citer un texte médiéval hors contexte pour salir l’islam est une double imposture : cela déforme le sens réel du concept de jihād et cela occulte le fait que l’islam interdit formellement le meurtre aveugle. Il est essentiel de s’informer de manière rigoureuse auprès de sources fiables et de replacer les propos dans leur contexte historique pour ne pas tomber dans ce piège des simplifications haineuses. Un débat public sain ne peut qu’en bénéficier, et c’est ainsi que l’on ôtera aux extrémistes – d’un bord comme de l’autre – le monopole du discours sur ces questions sensibles.
Sources citées : Très diverses...