La victimisation de Casus Lady face à la réalité de l’islamophobie en France
Il s’agit là d’une rhétorique classique de l’extrême droite islamophobe, qu’on retrouve chez certains polémistes...

Contexte de la polémique ZeratoR / ZEvent
Au cours de l’été 2025, une controverse éclate autour de Casus Lady, une streameuse et influenceuse française connue pour ses diatribes virulentes contre l’islam sunnite. Annoncée comme participante au ZEvent 2025 – un marathon caritatif de streaming organisé par ZeratoR – Casus Lady suscite immédiatement de vives réactions. De nombreux internautes et membres de la communauté gaming s’indignent de la voir associée à cet événement solidaire, compte tenu de la nature polémique et provocatrice de ses contenus. Face à la grogne grandissante, les organisateurs du ZEvent semblent finalement avoir écarté Casus Lady de l’événement, bien que les détails officiels restent flous à ce stade.
Casus Lady réagit alors publiquement en se posant en victime d’une censure orchestrée par l’islam (mdr). Dans une longue publication sur X (Twitter), elle affirme avoir été évincée du ZEvent sous la pression d’une prétendue “autorité religieuse” islamique (mdr). Elle dénonce ce qu’elle perçoit comme une atteinte grave à la liberté d’expression et à la laïcité en France, allant jusqu’à proclamer que son exclusion prouverait l’existence d’un “fascisme islamique” sur le sol français. Ces accusations pour le moins extrêmes ont rapidement fait réagir, tant elles semblent déconnectées de la réalité du contexte français. Malade d'islamophobie oblige...
Les affirmations de Casus Lady
La rhétorique de Casus Lady s’appuie sur plusieurs affirmations principales, qu’il convient de résumer pour mieux les analyser :
- Une “autorité religieuse” islamique dicterait sa loi en France : D’après elle, une sorte de pouvoir religieux occulte aurait réussi à imposer son diktat aux organisateurs du ZEvent. Elle clame que “L’autorité religieuse est bien présente en France ! Elle a réussi à imposer son dictat en faisant pression sur ZeratoR et le ZEventFR”, comme si une entité islamique avait contraint l’événement à la censurer. Une complotiste ! Ce qui est profondément ridicule.
- Une censure contraire au droit français : Casus Lady rappelle que “la loi française autorise la critique des dogmes religieux et la dénonciation de ces idéologies”. Elle suggère ainsi que son éviction viole son droit de critiquer librement l’islam, qu’elle qualifie de “dogme totalitaire et fasciste”. Elle se présente comme une blasphématrice punie alors qu’elle agirait “en parfaite légalité”. Elle semble oublier que ses "critiques" de l'Islam sont souvent des amalgames, des décontextualisations et des approximations largement incomplètes et aux antipodes des Objectifs de l'Islam. C'est quand même elle, et là je dis que c'est une menteuse, qui affirme que le terrorisme est Coranique. C'est clairement un appel, en plus d'être faux, à amalgamer l'Islam et les Musulmans au pire de quoi poser sur eux une cible. Qu'Allah la guide.
- La fin de la laïcité et de la liberté d’expression : Selon elle, “des décennies de laïcité partent à la poubelle”. Elle appelle les citoyens à se réveiller, prétendant que la France, patrie des droits de l’homme et de la liberté d’expression, serait en train de plier devant un islam sunnite autoritaire qui gagnerait du terrain. “Plus personne ne pourra dire que le fascisme islamique n’existe pas en France !”, s’exclame-t-elle, érigeant son propre cas en preuve irréfutable. Pathétique. (En appelant à se « réveiller » contre une menace imaginaire, ce sont fatalement les musulmans qui se retrouvent désignés à la vindicte populaire. C’est là toute la dangerosité de son discours : il détourne les peurs vers une cible bien réelle, au risque d’alimenter la haine et les violences.)
- Un appel à la mobilisation contre l’« autorité islamique » (qui au passage n'existe pas-mdr) : Casus Lady conclut son message en jurant de continuer le combat contre l’islam sunnite qu’elle qualifie de fasciste. Elle enjoint son audience à “repartager en masse” son appel pour faire savoir que “l’autorité islamique a réussi à faire plier le ZEvent”. Elle veut ainsi mobiliser l’opinion publique contre ce qu’elle considère être une mainmise islamiste sur l’espace public français.
Ces déclarations aux accents apocalyptiques dressent le tableau d’une France où la religion musulmane exercerait un pouvoir coercitif illégal, bâillonnant toute critique à son encontre. Qu’en est-il réellement ? Nous allons voir que cette vision relève du fantasme et de la victimisation, à rebours des faits observables. Il est nécessaire de replacer les choses dans le contexte juridique et sociopolitique français avant de comprendre qui, de Casus Lady ou des musulmans de France, est réellement visé par la censure et la stigmatisation.
La laïcité française : aucune “autorité religieuse” ne fait la loi
Premièrement, rappelons un principe fondamental : la laïcité en France signifie la séparation stricte des institutions religieuses et de l’État. Aucune autorité religieuse, qu’elle soit islamique, catholique ou autre, ne détient de pouvoir pour “imposer son diktat” aux lois de la République ou aux décisions souveraines d’un organisateur d’événement privé. La France n’a pas de clergé islamique doté d’un quelconque pouvoir coercitif sur la société civile. L’idée qu’une « autorité religieuse islamique » puisse officiellement faire pression sur ZeratoR (un streamer privé) pour éjecter Casus Lady est donc dénuée de fondement institutionnel. Aucune entité religieuse n’a de rôle dans l’organisation du ZEvent, ni de lien avec les pouvoirs publics capables d’influencer ce type de décision.
En l’occurrence, ZeratoR et son équipe ont très bien pu choisir d’eux-mêmes d’écarter Casus Lady pour préserver l’image inclusive et bienveillante de leur événement caritatif. Le ZEvent repose sur le bénévolat de streamers réunis pour la bonne cause, et il est compréhensible que la présence d’une personnalité clivante, accusée de tenir des propos haineux, ait été jugée incompatible avec l’esprit de l’événement. Il s’agit là d’un choix organisationnel et éthique, non du résultat d’un décret religieux. Parler d’“autorité religieuse” qui “impose son dictat” revient à agiter un épouvantail conspirationniste.
Par ailleurs, si des voix musulmanes se sont élevées sur les réseaux sociaux pour dénoncer la participation de Casus Lady (ce qui est probable, tout comme des voix non musulmanes antifascistes ou simplement des observateurs choqués), cela relève de la liberté d’expression des citoyens. Appeler au boycott ou faire connaître son opposition à la présence d’une figure perçue comme islamophobe est une démarche citoyenne normale. On ne peut assimiler ces protestations à l’action d’un sombre “clergé” qui dicterait sa loi. Aucun imam ou organisme religieux majeur n’a officiellement ordonné quoi que ce soit dans cette affaire. La Grande Mosquée de Paris, par exemple, ne s’est pas exprimée à ce sujet, pas plus que l’Union des mosquées ou autres institutions. D'ailleurs il est certains que les organisations Musulmanes ne connaissent même pas Casus Lady. Nous sommes bien dans le registre de la contestation sociale, pas dans celui d’une théocratie exerçant son pouvoir.
Ironiquement, accuser l’islam d’avoir fait “plier” l’organisation du ZEvent occulte le fait que ce type d’événement repose aussi sur des sponsors, des partenariats et une image publique. Il est tout à fait possible que la pression soit venue des autres participants, du public, voire d’entreprises sponsorisant le ZEvent, inquiets de voir l’image de la manifestation entachée par une femme extraordinairement vulgaire comme ses sorties sur Twitter ou Youtube le démontrent (On l'entend souvent dire " je pisse sur ta rel... sur ton P....). Dans la France d’aujourd’hui, ce sont plutôt les préoccupations liées à la lutte contre le racisme et les discours de haine qui influencent ce genre de décisions, conformément aux valeurs républicaines et humanistes que beaucoup de Français défendent.
En résumé, la laïcité demeure pleinement en vigueur : aucune autorité religieuse ne dicte la conduite des événements culturels ou caritatifs en France. Au contraire, c’est précisément au nom des principes laïques et du refus des extrémismes que l’on a écarté une personne connue pour ses propos outranciers visant une religion particulière. Parler de “décennies de laïcité à la poubelle” est un non-sens : la laïcité signifie la neutralité de l’État vis-à-vis des cultes, mais n’a jamais garanti qu’un individu aurait un droit inconditionnel à toutes les tribunes privées même s’il répand une hostilité religieuse flagrante.

Critique légitime ou discours de haine ? – Ce que permet (ou pas) la loi
Casus Lady insiste sur le fait que la loi française l’autorise à critiquer la religion et que sa prise de parole est donc légitime. Sur ce point, il faut reconnaître qu’elle a en partie raison : le délit de blasphème n’existe pas en France depuis plus d’un siècle. Critiquer, caricaturer voire insulter une religion ou ses figures, en soi, n’est pas illégal en droit français. La liberté d’expression inclut le droit à la satire religieuse et à la remise en question des dogmes en France. C’est un acquis historique, réaffirmé notamment lors de l’affaire Mila en 2020-2021, où une adolescente ayant proféré des insultes crues contre l’islam sur les réseaux sociaux n’a pas été poursuivie pénalement. Le Parquet a classé l’affaire sans suite en estimant que ses propos, aussi vulgaires soient-ils, ne dépassaient pas la limite légale puisqu’ils ne contenaient aucun appel à la haine ou à la violence contre un groupe de personnes (ce qui n'est pas forcément authentique puisqu'elle a amalgamé l'islam à des affaires dont nous nous innocentons). La justice française opère ainsi une distinction claire : tant qu’on ne vise que la religion (les idées, les symboles) et non les fidèles en tant que personnes, aucune condamnation pénale n’est possible. Que nous soyons en opposition avec cela ou non c'est la France et c'est ainsi...
Ainsi, oui, Casus Lady est juridiquement libre de qualifier l’islam comme bon lui semble en France, même en des termes outranciers, sans risquer de poursuites pour blasphème. Lorsqu’elle se vante d’agir “en parfaite légalité” en traitant l’islam sunnite de “dogme fasciste”, elle n’a pas tout à fait tort sur le plan du droit strict. La liberté de critiquer les religions, même de façon acerbe ou injurieuse, est protégée en France. Toutefois ce qu'elle dit, se résume à des mensonges, des amalgames, etc. Et c'est pour cette raison que nous affirmons que ce n'est pas la critique réelle, et de facto le vrai débat qu'elle veut mais du tiktok argent... Lucratif. Comme la plupart de ceux qui appartiennent à cette sphère.
Cela étant dit, la liberté d’expression n’est pas sans limites, et notamment lorsque le discours vise les personnes. La loi interdit la provocation à la haine ou à la discrimination envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance religieuse (article 24 de la loi du 29 juillet 1881). Si un propos dépasse la critique d’une doctrine et s’attaque directement aux croyants de manière à susciter l’hostilité contre eux, il peut tomber sous le coup de la loi. La frontière peut parfois être subtile : traiter l’islam (religion) de “fasciste” est autorisé, mais traiter les musulmans de fascistes ou appeler à les combattre pourrait constituer une infraction.
Dans le cas de Casus Lady, ses formulations laissent entendre qu’elle vise le dogme en tant que tel. Elle se garde généralement d’appeler à s’en prendre physiquement aux musulmans, et préfère dire qu’elle “combattra” l’idéologie islamique. Cette prudence dans le choix des mots la protège légalement – c’est un registre de provocation verbale tolérée, dans la lignée de ce qu’un journal satirique comme Charlie Hebdo a pu faire en caricaturant l’islam. Mais ce qui est légal n’est pas nécessairement dépourvu de conséquences sociales.
En effet, si nul ne peut l’empêcher de parler, nul n’est obligé de lui offrir une tribune. La liberté d’expression ne garantit pas un droit à être invité partout. Un organisateur d’événement privé peut légitimement écarter une personne dont le discours heurte les autres participants ou le public visé. Cela ne constitue pas une censure étatique ni une atteinte à un droit fondamental, mais l’exercice de la liberté, pour les autres, de ne pas cautionner ni amplifier un message jugé haineux. En l’espèce, ZeratoR n’a fait qu’user de sa liberté éditoriale dans le cadre du ZEvent. On ne peut confondre cela avec une répression illégitime.
En somme, Casus Lady n’a subi aucune sanction juridique pour ses propos – la justice ne la poursuit pas, et la police de la pensée islamique qu’elle dénonce n’existe pas. Elle continue d’ailleurs d’exprimer ses opinions sur ses chaînes en ligne sans être inquiétée par la loi. Le seul “préjudice” qu’elle invoque est d’avoir perdu l’opportunité de participer à un événement caritatif, ce qui relève du domaine privé. Agiter la loi de 1881 sur la liberté de la presse ici est hors de propos : cette loi la protège déjà (personne ne l’a inculpée pour ses critiques religieuses), mais elle n’oblige nullement un événement à la garder comme invitée.
ZEvent : un choix assumé, pas une censure illégitime
Il est utile de se pencher sur ce qui s’est réellement passé autour du ZEvent 2025 pour démêler le vrai du faux. Selon les informations disponibles, Casus Lady avait initialement été incluse dans la liste des participants, probablement en raison de son audience sur Twitch ou TikTok. Il est possible que les organisateurs n’aient pas mesuré la teneur exacte de son contenu au moment de l’inviter, ou qu’ils aient voulu ouvrir la porte à une variété de profils, quitte à provoquer un débat. Toutefois, dès que son nom a été connu, la réaction a été massivement négative chez de nombreux supporters du ZEvent et sur les réseaux sociaux.
Plusieurs commentateurs ont rappelé que Casus Lady consacre l’essentiel de ses streams à dénigrer l’islam. Son personnage provocateur, qui se met en scène affublée d’un voile et d’un décolleté plongeant pour tourner en ridicule les symboles religieux, choque et indigne bien au-delà des « cibles islamistes » qu’elle prétend viser.

Des streamers et internautes engagés à gauche ont publiquement exprimé leur refus de partager la scène avec quelqu’un qui, selon eux, franchit la ligne de la critique pour tomber dans l’islamophobie crasse. En ce sens, la pression qui a abouti à son exclusion vient d’abord de la société civile et de la communauté du streaming elle-même. C’est un phénomène courant : un événement très médiatisé doit faire attention à son image inclusive, et l’opprobre générale suscitée par la présence de Casus Lady risquait de faire de l’ombre à la cause caritative du ZEvent.
D’ailleurs, dans le même temps, un autre invité controversé – un député de la majorité présidentielle – a lui aussi préféré se retirer suite à la polémique, pour ne pas nuire à l’événement. Cela montre bien que les choix des participants sont dictés par des considérations de consensus social et politique, pas par la "Charia". ZeratoR est connu pour être prudent et soucieux de rassembler largement ; il a donc écarté les profils trop polémiques pour éviter les remous. Insinuer qu’il l’aurait fait sous la contrainte islamiste revient à prêter à ce streamer une faiblesse et des liaisons imaginaires. En réalité, il a pris une décision cohérente avec les valeurs que défend son événement, point final.
Il faut souligner que ZEvent n’est pas un espace de débat d’idées sur la religion ou la laïcité. C’est un marathon festif pour lever des fonds en faveur d’associations caritatives. La présence d’une militante anti-islam extrême n’aurait eu pour effet que de parasiter l’ambiance et de détourner l’attention vers des polémiques stériles. En la remerciant, les organisateurs ont préservé l’objectif initial de leur événement. Il ne s’agit nullement de museler un discours dissident par autoritarisme religieux, mais de préserver la cohésion d’un projet solidaire. Casus Lady demeure libre d’organiser ses propres lives “apostats” comme elle l’a promis, ou de diffuser ses opinions sur sa plateforme personnelle – ce qu’elle fait déjà amplement. Mais le ZEvent, lui, avait légitimement le droit de dire “non merci” à ce qui s’annonçait comme une source de division.
En somme, parler de censure à propos du ZEvent est un abus de langage. Aucune institution publique ne lui a interdit de s’exprimer ; aucune sanction judiciaire ne l’a frappée. Casus Lady a simplement subi le désaveu du public et des pairs, qui relèvent du verdict de l’opinion, pas d’un tribunal secret de l’islam. Dans une démocratie vivante, l’espace public régule aussi naturellement les excès par le biais de la réprobation collective. C’est exactement ce qui s’est passé ici, et cela fait partie du jeu de la liberté d’expression – laquelle implique la possibilité pour les autres de répondre, de critiquer, voire de boycotter une personne dont les propos sont jugés intolérants.
L’« islam sunnite autoritaire » qui gagnerait du terrain : fantasme ou réalité ?
L’un des piliers du discours de Casus Lady est de prétendre que “l’islam sunnite autoritaire prend du terrain sur notre sol”, laissant entendre qu’une idéologie totalitaire d’inspiration musulmane serait en train d’envahir la France et de la soumettre. Il s’agit là d’une rhétorique classique de l’extrême droite islamophobe, qu’on retrouve chez certains polémistes : le fantasme d’un “grand remplacement” culturel ou juridique où la Charia supplanterait la loi républicaine. Or, ce fantasme se heurte frontalement à la réalité des faits. La France n'est pas un pays Musulman... Et les Musulmans ne l'ignorent pas.
En France, les musulmans (majoritairement de rite sunnite, en effet) représentent environ 8 à 10 millions de la population. Ils sont très loin de détenir le moindre pouvoir politique ou médiatique comparable à leur poids démographique. Au contraire, depuis plusieurs années, c’est surtout une suspicion généralisée qui pèse sur eux dans les plus hautes sphères de l’État. Le système actuel multiplie les initiatives pour lutter contre ce qu’il appelle le “séparatisme islamiste” ou l’“entrisme” des Frères musulmans, convaincu que des influences islamistes conspireraient pour miner la République. Le président Emmanuel Macron a même commandé un rapport sur ce sujet et annoncé en juillet 2025 une série de mesures répressives accrues. Parmi ces mesures : élargir le gel des avoirs financiers (jusque-là réservé à la lutte antiterroriste) afin de frapper toute association simplement soupçonnée d’activités islamistes, et accélérer les dissolutions de groupements qui ne respecteraient pas un flou “contrat d’engagement républicain” huffingtonpost.fr. Autrement dit, l’État se dote de nouveaux outils pour verrouiller et surveiller de plus près les structures liées à l’islam.
Cette politique sécuritaire s’ajoute à un arsenal déjà existant : depuis 2020, plusieurs mosquées, écoles et associations musulmanes ont été fermées ou dissoutes par décret administratif, hors de tout contrôle judiciaire préalable. Un exemple marquant fut la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) en 2020, une association pourtant connue pour son rôle de lanceur d’alerte sur les actes antimusulmans. Le ministère de l’Intérieur a pris cette décision en l’absence de tout délit avéré, en arguant d’une « complicité idéologique » avec un terroriste – une accusation pour le moins capillotractée, qui a suscité l’incompréhension d’observateurs y compris à l’international journals.openedition.orgjournals.openedition.org. Comment peut-on sérieusement soutenir que “l’islam autoritaire” règne en France alors que même les organisations musulmanes antiracistes sont dissoutes par le gouvernement ? On voit bien ici l’inversion totale de la réalité : ce n’est pas la République qui plie face à l’islam, c’est une certaine pratique de l’islam (ou même la simple défense des musulmans) qui se voit criminalisée ou bâillonnée au nom de la République.
Les musulmans de France, loin de gagner du terrain politique, font plutôt face à un resserrement de l’étau. La loi du 24 août 2021 (dite “loi séparatisme”) a renforcé le contrôle de l’État sur les associations cultuelles, les financements venus de l’étranger, l’éducation à domicile souvent pratiquée par des familles musulmanes, etc. Chaque fait divers impliquant un individu se réclamant de l’islam entraîne une surenchère législative ou rhétorique où l’ensemble des pratiquants est mis sous le projecteur de la défiance. Il y a quelques mois à peine, un tragique événement a illustré jusqu’où peut mener cette atmosphère : le 25 avril 2025, un homme a fait irruption dans une mosquée du Gard et assassiné un musulman en plein lieu de culte, en filmant son acte et en proférant des injures telles que « Ton Allah de mer... ». Ce meurtre glaçant est le symptôme d’un climat où la haine antimusulmane devient décomplexée. Des chercheurs parlent à ce sujet d’une véritable “islamophobie d’atmosphère” en France : un air du temps malsain dans lequel la violence contre les musulmans paraît plus acceptable aux yeux de certains. Ce climat est alimenté par des personnalités politiques et médiatiques qui entretiennent en continu le soupçon à l’égard de tout ce qui touche à l’islam, au point que l’extrémisme d’extrême droite gagne en légitimité dans le débat public - ens-lyon.fr.
À la lumière de ces éléments, l’on mesure combien le discours de Casus Lady est en décalage avec la situation réelle. Aucun califat ne s’installe en France ; c’est même tout le contraire. Sur le plan politique et légal, l’islam institutionnel se voit imposer de plus en plus de restrictions, et sur le plan social, les musulmans subissent un niveau d’hostilité préoccupant. Si vraiment une “autorité islamique” tentait d’imposer sa loi, comment expliquer que c’est l’État français qui confisque les fonds de maisons d’édition musulmanes et d’intellectuels sans procès ? Depuis début juin 2025, au moins une douzaine de structures ou personnalités musulmanes – dont des éditeurs comme Sarrazins, Tawhid, Nawa, la maison d’édition Ribât, des ONG humanitaires – ont vu leurs comptes bancaires gelés par simple arrêté ministériel, sans aucune condamnation judiciaire préalable - aa.com.traa.com.tr. Des personnes n’ayant commis aucune infraction se retrouvent du jour au lendemain incapables de payer leur loyer ou de nourrir leurs enfants, uniquement parce qu’elles sont soupçonnées d’être liées de près ou de loin à une mouvance religieuse jugée “séparatiste” - aa.com.tr. Certaines de ces victimes de gels administratifs arbitraires témoignent qu’elles sont sanctionnées pour avoir simplement “dénoncé le racisme” anti-musulman - aa.com.tr. Un avocat, Me Rafik Chekkat, souligne même que des individus ont été visés pour avoir employé le mot “islamophobie”, terme qui déplaît aux autorités et qu’elles considèrent comme potentiellement subversif - aa.com.tr.
Ces faits sont difficilement conciliables avec la thèse d’une emprise islamiste sur la France. Ils illustrent plutôt une dérive liberticide aux dépens des citoyens musulmans. Lorsqu’une streameuse comme Casus Lady clame qu’elle est réduite au silence par l’islam, on ne peut s’empêcher de constater l’ironie : c’est elle qui jouit d’une tribune pour insulter une religion sans aucune entrave légale, alors que dans le même temps des intellectuels musulmans perdent leurs droits fondamentaux sans procès, et que des fidèles se font tuer dans leur mosquée.
L’islamophobie d’atmosphère : un climat bien réel
Il est crucial de nommer cela : loin d’un fascisme islamique fantasmé, la France connaît plutôt une montée d’une islamophobie d’atmosphère – un racisme diffus mais prégnant visant les musulmans en général. Ce terme d’“islamophobie d’atmosphère” a été employé pour décrire comment des préjugés anti-musulmans se normalisent au point de rendre certaines violences acceptables ou minimisées - ens-lyon.fr. Ainsi, lorsque survient une agression clairement motivée par la haine des musulmans (telle que le meurtre de La Grand-Combe mentionné plus haut), on voit encore des responsables rechigner à qualifier l’acte d’islamophobe, ou détourner le débat vers la menace de “l’islamisme” de manière presque réflexe - ens-lyon.frens-lyon.fr. Ce déni de l’islamophobie, parfois entretenu par des personnalités médiatiques connues, fait partie intégrante du problème : il empêche une prise de conscience franche de la gravité des actes antimusulmans et de leur multiplication.
Statistiquement, les actes anti-musulmans sont régulièrement recensés par des organismes officiels et des associations de défense des droits. Même si tous les chiffres ne sont pas publiés depuis la dissolution du CCIF, on sait que les outrages aux lieux de culte musulmans, les discriminations et agressions visant des personnes en raison de leur religion restent élevés. Cette hostilité ambiante a des conséquences concrètes sur la vie des citoyens de confession musulmane : beaucoup témoignent d’une insécurité croissante, d’une autocensure (certaines femmes retirent leur voile par peur des insultes, par exemple), voire d’un exil de compétences. On parle de plus en plus d’un “brain drain” musulman, des jeunes diplômés français musulmans préférant faire carrière à l’étranger pour fuir un environnement qu’ils jugent hostile à leur égard – ce qui est une perte sèche pour la France.
Récemment, des universitaires comme Haoues Seniguer ou Philippe Corcuff ont mis en lumière dans The Conversation comment le récit gouvernemental sur un supposé complot “frériste” alimente une atmosphère conspirationniste au sommet de l’État lui-même - ens-lyon.fr. En clair, la suspicion systématique envers les musulmans est devenue quasiment institutionnalisée. On exige sans cesse de cette composante de la population qu’elle prouve sa loyauté républicaine, qu’elle se justifie de pratiques religieuses pourtant légales, sous peine d’être accusée de duplicité. Ce soupçon généralisé s’apparente à une forme de maccarthysme religieux, où l’on traque l’ennemi intérieur fantasmé.
Dans ce contexte pesant, les propos outranciers de Casus Lady ne sont pas une voix marginalisée et bâillonnée ; ils s’inscrivent au contraire dans l’air du temps d’une frange de l’opinion qui voit dans l’islam un bouc émissaire commode. Ses tirades sur “l’islam fasciste” font écho aux unes de certains magazines ou aux saillies de polémistes bien connus. Loin d’être révolutionnaires, ses idées recyclent un vieux fond de xénophobie actualisé à l’ère post-11 septembre. Ce qui distingue peut-être Casus Lady, c’est le style pop-culture et réseaux sociaux qu’elle adopte pour diffuser ces idées, un ton se voulant humoristique et “libéré” pour séduire un jeune public en mal de transgression. Mais sur le fond, son message s’aligne avec cette islamophobie ambiante. Il n’est donc pas surprenant qu’elle ait trouvé une audience, ni qu’elle suscite en retour une vive opposition : elle appuie sur la fracture la plus sensible de la société française contemporaine.
Une posture victimaire et un discours lucratif
Face aux faits ci-dessus, il apparaît clairement que Casus Lady endosse une posture victimaire peu crédible. Se présenter comme une courageuse lanceuse d’alerte muselée par un système islamiste revient en réalité à inverser les rôles entre dominants et dominés. Dans cette affaire, qui est ostracisé, qui est réduit au silence ? Ce ne sont pas ceux qui traitent l’islam de “fasciste” – ils ont pignon sur rue dans les médias et sur Internet – mais bien souvent ceux qui dénoncent l’islamophobie ou qui défendent les musulmans. La véritable “cancel culture” en France vise aujourd’hui plutôt les voix musulmanes dissidentes que les propagateurs de haine antimusulmane.
On peut ainsi s’interroger sur les motivations profondes de Casus Lady. Tout dans son parcours et sa communication laisse penser qu’elle a adopté un créneau lucratif en s’attaquant sans relâche à l’islam sur un mode sensationnaliste. Sa mise en scène sur TikTok ou Twitch – voile sur la tête et décolletés, lectures sarcastiques du Coran ou de hadiths sortis de leur contexte, provocations scéniques – relève plus du buzz que du débat intellectuel. "Contrairement à d’autres critiques de l’islam qui argumentent sur le terrain théologique ou historique et acceptent la confrontation avec des contradicteurs sérieux ", Casus Lady évite soigneusement le débat de fond. Elle préfère les monologues moqueurs, entourée souvent d’acolytes partageant les mêmes préjugés, ou de l’approbation d’une audience acquise. Il est significatif qu’elle n’ait pas cherché à discuter avec des spécialistes reconnus de l’islam : son but n’est manifestement pas de faire progresser une réflexion, mais de multiplier les vues et les abonnés grâce à la controverse.
Cette stratégie de provocation outrancière suivie d’une posture victimaire est un schéma bien rodé dans l’écosystème des réseaux sociaux. En jouant l’“anti-système” bâillonnée, Casus Lady flatte son public qui se vit comme une majorité silencieuse oppressée par le “politiquement correct” religieux ou autre. Chaque clash devient l’occasion de renforcer la loyauté de ses fans (qui la soutiennent face à l’ennemi commun désigné, ici l’“autorité islamique”), et d’attirer l’attention médiatique. On a vu ce mécanisme à l’œuvre avec d’autres polémistes : se faire déprogrammer d’un événement ou critiquer publiquement est presque recherché, car cela permet ensuite de clamer la censure et de gagner en notoriété. C’est paradoxalement gagnant-gagnant pour l’influenceuse : exclue du ZEvent, elle gagne le statut de martyre aux yeux de ses supporteurs, ce qui ne manquera pas de doper sa visibilité en ligne et possiblement ses revenus via les dons, abonnements ou partenariats.
Il faut donc prendre du recul face à ses lamentations. Casus Lady n’est pas une simple citoyenne muselée : c’est une entrepreneure du buzz qui instrumentalise la laïcité et la liberté d’expression à son profit. En caricaturant l’islam de manière insultante, puis en criant à l’oppression quand on la critique en retour, elle crée un théâtre où elle occupe le devant de la scène. Pendant ce temps, les problèmes réels de la société française (discriminations, inégalités, menace terroriste réelle ou extrême droite violente) restent sans réponse constructive. Au lieu d’apporter une contribution utile – par exemple, un débat sérieux sur la compatibilité de certaines doctrines religieuses avec la modernité, ou sur la lutte contre l’extrémisme sans stigmatiser tous les croyants – ce type de discours à la Casus Lady ne fait qu’alimenter la haine et la défiance mutuelle.
Conclusion : Démêler le vrai du faux et défendre une liberté d’expression cohérente
En définitive, l’affaire Casus Lady est emblématique des tensions actuelles autour de l’islam et de la laïcité en France, mais pas dans le sens qu’elle le prétend. Cette polémique révèle surtout la présence d’un climat islamophobe dans lequel des discours extrêmes prospèrent sous couvert de critique des religions, tandis que les musulmans et leurs défenseurs subissent, eux, une pression croissante. La prétendue “autorité religieuse” faisant la loi n’est qu’un fantasme agité pour dissimuler la réalité d’un rapport de force inverse : c’est la puissance publique et médiatique qui, aujourd’hui, dicte aux citoyens musulmans jusqu’où ils peuvent pratiquer ou revendiquer leur foi, et non l’inverse.
Casus Lady a parfaitement le droit de ne pas aimer l’islam et de le proclamer haut et fort – ce droit n’a jamais été remis en cause juridiquement dans son cas. Sa liberté d’expression n’a pas été entravée par l’État, et même son exclusion du ZEvent relève d’une réaction de la société civile plutôt que d’une censure institutionnelle. En revanche, il est tout aussi important de rappeler que la liberté d’expression n’est pas un bouclier magique contre les critiques. Quand on use de sa parole pour insulter ou stigmatiser, il faut s’attendre à une réponse vigoureuse de ceux qui se sentent attaqués ou de ceux qui défendent le vivre-ensemble. C’est là aussi une expression de la liberté.
Plutôt que de céder aux théories complotistes sur un prétendu fascisme islamique tapis dans l’ombre, il convient de regarder les faits : la France reste un pays laïque où l’on peut critiquer la religion, mais aussi un pays de droit où les minorités ont théoriquement des protections. Si Casus Lady se souciait sincèrement de la liberté et des droits fondamentaux, elle s’indignerait peut-être des gels de comptes bancaires sans procès, des dissolutions d’associations antiracistes, des meurtres islamophobes – autant de phénomènes qui, eux, menacent réellement l’État de droit et la cohésion nationale. Au lieu de cela, elle préfère se focaliser obsessionnellement sur une seule religion, en termes manichéens, sans nuance ni compassion.
Il est impératif de condamner les dérives haineuses qui transforment la critique en croisade contre les fidèles. L’expérience française a montré qu’on peut très bien autoriser le blasphème tout en sanctionnant l’incitation à la haine – une ligne de crête subtile mais essentielle pour préserver à la fois la liberté d’expression et la dignité de chacun. Casus Lady, hélas, ne semble pas s’embarrasser de telles subtilités : son discours simpliste vise davantage à opposer les gens qu’à éclairer le débat.
En conclusion, le délire victimaire de Casus Lady doit être remis à sa juste place. Non, la France n’est pas en proie à un totalitarisme islamique qui réduirait au silence les pourfendeurs de dogmes. Ceux qui se voient censurés sont bien souvent, au contraire, les citoyens musulmans ordinaires ou leurs représentants, pris entre le marteau de l’extrémisme violent et l’enclume de la suspicion généralisée. Pour sortir par le haut de ces polémiques, il faudrait retrouver le chemin d’un dialogue respectueux. Ce n’est qu’au prix de cette exigence intellectuelle et morale que la liberté d’expression pourra réellement bénéficier à tous et non être instrumentalisée par quelques-uns.
En attendant, force est de constater que Casus Lady n’a pas été réduite au silence – bien au contraire, elle fait du bruit – et que son “combat” autoproclamé contre l’« islam fasciste » ressemble surtout à un reflet déformé de la réalité, qui passe à côté des vrais enjeux et entretient les fractures plutôt que de les guérir. Il appartient à chacun de ne pas se laisser duper par ce jeu de rôle et de garder un regard lucide sur qui sont, dans la France de 2025, les vrais censeurs et les vraies victimes.