L'Incroyable Manipulateur et La "Terre portée par un poisson" ?
Nous commencerons par une réfutation rapide et résumée, accessible à tous, puis nous proposerons une analyse plus approfondie et détaillée, pour celles et ceux qui souhaitent aller au fond des choses. Pour en savoir plus.

INTRODUCTION
Dans cet article, nous allons, par la permission d’Allah Le Sublime, réfuter comme il se doit les propos fallacieux du désormais célèbre Incroyable Manipulateur, celui qui se fait appeler "cheikh Ali" — un surnom qu’il s’est attribué dans le seul but de tourner l’Islam en dérision. J’ai déjà publié plusieurs réfutations à son encontre, ici, et en voici une de plus, al-Hamdoulillah.
Nous commencerons par une réfutation rapide et résumée, accessible à tous, puis nous proposerons une analyse plus approfondie et détaillée, pour celles et ceux qui souhaitent aller au fond des choses. Pour en savoir plus.
Je vais d’abord vous citer ce qu’il affirme dans son livre, avant de répondre point par point à ses mensonges par une réfutation argumentée, professionnelle et sourcée.

L'Incroyable Manipulateur affirme ceci dans son livre : "Ainsi commence la Sourate du Coran “La Plume” (Al Qalam). Les plus grands savants de l'Islam ont réussi à interpréter cette parole obscure du Créateur de l'Univers. Al‑Tabari, l'exégète des exégètes. Al‑Qurtubi, l'imam des exégètes. Ibn Kathir, une référence, dont le commentaire du Coran est le plus étudié dans le monde musulman. Et enfin Abdullah Ibn Abbas, le fils du Sanguinaire, le savant des savants, le père de l'exégèse coranique, le plus grand expert du Coran. Ainsi, les quatre plus grands experts du Coran de l'Islam sunnite sont d'accord : Nūn est “le très gros poisson” sur lequel la Terre est posée."
L’Incroyable Manipulateur, fidèle à son habitude, accompagne ses mensonges d’un dessin grotesque, dans le seul but d’ajouter un peu de sensationnel à sa gigantesque supercherie :

L'Incroyable Manipulateur rajoute, tout en essayant de faire de l'humour rabaissant, en direction des Musulmans, ceci : " Le lecteur pieux et sagace identifiera immédiatement le gros poisson comme étant une baleine, magnifique mammifère marin de l’ordre des cétacés. La question n'est donc pas de savoir si la Terre est posée sur une baleine : c'est une évidence, puisque les plus grands savants de l'Islam le soutiennent. Non, la question est de savoir pourquoi les mécréants ne l'ont pas encore découverte (la baleine). Sans verser dans le complotisme, il est clair qu'on ne nous dit pas tout. Mais lorsque la vérité fera surface, alors l’exactitude de l'Islam apparaitra de manière éclatante aux yeux des hypocrites, qui osent cacher au monde la baleine se trouvant sous la Terre. " Ali, Cheikh . Incroyable islam: La religion qui met votre cerveau à l'épreuve (p. 197). Édition du Kindle.
1 : La Réfutation Rapide Et Résumée :
Certains prétendent que l’islam enseigne que la Terre repose sur une baleine, en se basant sur une interprétation isolée du mot « Nūn » au début de la Sourate Al-Qalam. Cette affirmation est fausse.
L’islam se fonde sur le Coran et la Sunna authentique, et aucun Verset ni Hadith fiable ne dit que la Terre est posée sur un poisson. Cette idée vient en réalité de récits anciens appelés isrā’īliyyāt (voir la note ci-dessous), transmis par d’anciens juifs convertis à l’islam, mais qui n’ont aucune valeur religieuse/Islamique. Les savants les ont souvent rapportés pour mémoire, mais sans les approuver.
Les grands exégètes comme Ibn Kathîr, al-Tabarî ou al-Qurtubî ont mentionné plusieurs avis sur le mot Nūn, dont celui du poisson, sans jamais en faire une croyance. La plupart disent même qu’il s’agit simplement d’une lettre mystérieuse, dont seul Allah connaît le sens, comme d’autres lettres au début de certaines Sourates.
Conclusion : l’Islam n’a jamais enseigné que la Terre repose sur une baleine, et utiliser ce mythe pour attaquer notre religion est malhonnête et ridicule.
Note importante : : Note : Qu’est-ce que les isrā’īliyyāt ?
Le terme isrā’īliyyāt désigne un ensemble de récits et de traditions issus des cultures juive et chrétienne anciennes, transmis au sein de la littérature islamique à l’époque des Compagnons et des premières générations de musulmans. Ces récits ont été rapportés notamment par des convertis d’origine juive ou chrétienne, comme Ka‘b al-Ahbâr ou Wahb ibn Munabbih, et concernaient souvent les histoires des prophètes, la création du monde, ou des descriptions de l’univers.
Ils ont parfois été cités dans les livres d’exégèse ou d’histoire pour illustrer ou compléter certains récits, mais ils ne font pas partie des sources fondamentales de l’islam, à savoir le Coran et la Sunna authentique. Le Prophète ﷺ a d’ailleurs mis en garde contre ces récits et a recommandé aux musulmans de ne ni les affirmer ni les nier, tant qu’ils ne sont pas en contradiction avec les enseignements de l’islam. Lorsqu’ils contredisent le Coran ou les hadiths authentiques, ils sont à rejeter sans hésitation.
En résumé, les isrā’īliyyāt sont des récits extérieurs à l’islam, rapportés à titre d’information, mais sans valeur doctrinale ou religieuse.
2 : La plus approfondie et détaillée - Réfutation de l'allégation sur la « Terre portée par un poisson » dans l’exégèse islamique
Introduction
Une affirmation souvent relayée par des détracteurs de l’islam prétend que les grands exégètes sunnites – tels qu’al-Tabari, al-Qurtubi, Ibn Kathir, ou même le compagnon Ibn ‘Abbâs – auraient tous soutenu que la Terre repose sur un énorme poisson (ou baleine) en interprétant la lettre mystérieuse « Nūn » au début de la sourate Al-Qalam (Coran 68:1) comme désignant cette créature. Cette idée est parfois utilisée pour ridiculiser la religion, suggérant qu’elle adhérerait à des mythes cosmologiques.
Or, cette allégation est infondée et déforme gravement la réalité de la doctrine musulmane. L’islam se fonde exclusivement sur le Coran et la Sunna authentique du Prophète ﷺ pour établir ses enseignements. Aucune source islamique fiable ne soutient l’idée qu’une baleine ou un poisson porterait la Terre – il s’agit en réalité d’un récit légendaire emprunté à des traditions étrangères (isrā’īliyyāt) sans aucune autorité doctrinale - islamqa.info.
Dans cet article, nous présenterons une réfutation argumentée et structurée de cette affirmation : nous verrons d’abord quels sont les fondements doctrinaux en islam, puis nous expliquerons la nature des isrā’īliyyāt (récits d’origine juive ou chrétienne) et leur rôle dans certains commentaires, avant d’examiner le point de vue des exégètes classiques sur la question de la lettre « Nūn » et de la prétendue « Terre sur un poisson ». Enfin, nous conclurons en mettant en garde contre l’instrumentalisation de ces récits non authentiques pour dénigrer l’islam ou les musulmans.
Fondements doctrinaux : le Coran et la Sunna avant tout
En islam sunnite, les sources premières de la doctrine sont le Coran – parole révélée d’Allah – et la Sunna prophétique authentique, c’est-à-dire les enseignements et traditions vérifiés du Prophète Muhammad ﷺ. Aucune croyance ne peut être établie de manière certaine sans s’appuyer sur ces sources fondamentales.
Comme le soulignent les savants, « il n’existe aucune preuve dans le Saint Coran ni dans la Sunna prophétique authentique » concernant l’idée que la Terre reposerait sur un poisson géant - islamqa.info. En d’autres termes, aucun verset coranique ni hadith authentique n’évoque une baleine soutenant la Terre. Cela n'existe pas.
Au contraire, le Coran décrit qu’Allah a créé les cieux et la terre sans mention d’aucune créature qui porterait notre monde. Par exemple, le Coran indique qu’Allah a « placé des montagnes fermes sur la Terre afin qu’elle ne vous secoue pas » (Coran 31:10), mais jamais il n’est question d’un poisson ou d’un taureau sur lequel la Terre serait posée.
De même, les Hadiths authentiques du Prophète ﷺ traitant de la création ou de la cosmologie n’évoquent nullement une telle notion. Les seuls « Hadiths » qui circulent à ce sujet sont soit des récits attribués à des compagnons (on parle alors d’athar ou de hadith mawqūf, « arrêté » au Compagnon et non remontant au Prophète), soit des inventions pures et simples. Par exemple, un récit attribué à Ibn ‘Umar présentant une version cosmologique (Terre sur l’eau, sur un rocher, sur le dos d’une baleine, etc.) a été jugé totalement fabriqué (mawdū‘) par les spécialistes - islamqa.info.
En résumé, la Foi musulmane n’enseigne nullement que la Terre serait posée sur une baleine. Une telle idée n’a aucune base dans le Coran ou la Sunna - islamqa.info. Dès lors, prétendre le contraire revient à confondre les enseignements authentiques de l’islam avec des fables sans fondement.
Les isrā’īliyyāt : récits d’origine judéo-chrétienne et leur statut
D’où provient alors cette histoire de Terre soutenue par un poisson ? Pour le comprendre, il faut aborder la notion des isrā’īliyyāt. Dans la littérature islamique, on désigne par isrā’īliyyāt les récits et traditions issus des cultures juive ou chrétienne anciennes, souvent transmis par d’anciens rabbins ou moines convertis à l’islam à l’époque des premiers musulmans - islamqa.info. Des personnes comme Ka‘b al-Ahbâr (un savant juif yéménite converti au temps des Compagnons) ou Wahb ibn Munabbih ont rapporté aux musulmans de nombreuses histoires tirées des textes bibliques ou du folklore des Banû Isrâ’îl (Enfants d’Israël). Ces récits concernaient fréquemment les anciennes prophéties (qui pour certains ont été déformés avec le temps, certains inventés et innocentes de facto de la Prophétie), la création du monde, la description des cieux et de la terre, etc.
Les compagnons du Prophète ﷺ et leurs successeurs (tabi‘ûn) ont parfois relayé ces anecdotes à titre d’information, mais toujours avec précaution. Uniquement à titre d'information et aucunement de Croyance, de Foi.
En effet, le Prophète lui-même a donné une directive claire à ce sujet : « Ne confirmez pas les dires des gens du Livre et ne les démentez pas », et il a enseigné aux musulmans de plutôt dire: « Nous croyons en Allah et en ce qui nous a été révélé… » en guise de réponse - islamqa.info. Ce Hadith authentique (rapporté par al-Bukhârî notamment) signifie que face aux récits venant des traditions juives ou chrétiennes :
- S’ils contredisent le Coran et la Sunna, on les rejette d’emblée.
- S’ils les confirment, on peut éventuellement les accepter (sans toutefois en avoir besoin, le Coran et la Sunna étant suffisants).
- S’ils sont silencieux (ni confirmés ni infirmés par nos sources), on doit s’abstenir d’y croire fermement ou de les traiter comme véridiques, tout en ne les traitant pas non plus de mensonges affirmés. On les raconte éventuellement à titre d’anecdotes, mais sans certitude.
Les savants musulmans ont donc classé les isrā’īliyyāt parmi les données historiques incertaines. Elles n’ont aucune autorité doctrinale en islam tant qu’elles ne sont pas appuyées par nos textes sacrés - islamqa.info. Et rien, absolument rien dans les Sources Musulmanes n'évoque une baleine portant la terre.
Ibn Taymiyya (mort en 1328) rappelait que ces récits issus des Ahl al-Kitâb (des gens du Livre) peuvent être rapportés pour compléter une histoire, mais qu’il est interdit de les ériger en croyance obligatoire. De plus, lorsque ces histoires sont absurdes ou contraires aux vérités établies, les érudits n’hésitent pas à les écarter.
Le récit d’une Terre posant sur un poisson (ou sur un taureau géant, autre variante trouvée dans certaines versions des récits juifs) appartient manifestement à ces isrā’īliyyāt fantaisistes et infondées. D’ailleurs, les spécialistes indiquent que cette histoire a été transmise initialement par Ka‘b al-Ahbâr, un juif converti à l'islam, et consorts.
Le célèbre compagnon Ibn ‘Abbâs (qu'Allah les Agrée tous deux) lui-même – à qui on attribue un propos relatant que la Terre fut étalée sur le dos du « Nun » (grand poisson) – aurait en réalité entendu cette légende de la bouche de Ka‘b ou de sources juives, puis l’aurait rapportée comme une possible explication - islamqa.info. Autrement dit, ce n’est pas Ibn ‘Abbâs qui l’invente, et encore moins le Prophète ﷺ ; il ne fait que relayer un récit externe.
Ibn ‘Abbâs était très jeune à la mort du Prophète, paix sur Lui, et cherchait à apprendre des convertis instruits en écritures antérieures, ce qui explique qu’il ait pu entendre de telles histoires. Cette parole attribuée à Ibn ‘Abbâs est donc un athar d’origine isrâ’îlite, pas un enseignement prophétique - islamqa.info.
Les Savants du Hadith la qualifient de mawqūf (arrêtée au Compagnon) et soulignent qu’elle comporte « beaucoup de choses étranges et invraisemblables » probablement issues des Banû Isrâ’îl (enfant d'Israël)- islamqa.info.
En fin de compte, les isrā’īliyyāt (histoires juives) comme l’histoire de la “Terre sur le poisson” n’ont aucune valeur légale ou dogmatique en islam - islamqa.info. On ne peut s’en servir pour établir une croyance, et il convient de les mentionner seulement avec les mises en garde nécessaires, si besoin est. Nombre de savants classiques et contemporains ont d’ailleurs explicitement mis en doute, voire rejeté ces récits. Nous le verrons à travers l’attitude des grands commentateurs du Coran.
L’interprétation de « Nūn » dans la sourate Al-Qalam par les exégètes
Le verset d’ouverture de la 68e sourate (Al-Qalam) est : « Nūn. Par la plume et ce qu’ils écrivent... » (68:1). Le sens exact de la lettre « Nūn » (ن) dans ce verset a fait l’objet de discussions chez les exégètes musulmans. Il s’agit d’une des lettres isolées (hurūf muqaṭṭa‘ât) que l’on trouve au début de certaines sourates (comme Alif Lām Mīm en 2:1, Qāf en 50:1, etc.).
La plupart des savants sont d’avis que « Nūn » ici, tout comme « Qāf » ou « Ṣād » ailleurs, est simplement une lettre servant d’ouverture mystique, dont « Allah seul connaît la signification ». C’est l’opinion privilégiée par des commentateurs majeurs tels qu’Ibn Kathîr, al-Qurtubî, Fakhr al-Dîn al-Râzî ou encore les auteurs du Tafsîr al-Jalalayn.
Par exemple, Ibn Kathîr écrit que « “Nūn” est comme (les lettres) “Ṣād”, “Qāf”, identique aux lettres isolées au début de plusieurs sourates », indiquant par là qu’il s’agit d’une lettre et non d’un mot porteur d’un sens concret.
Al-Qurtubî, citant l’imam Al-Qushayrî, explique aussi que « Nūn » ne peut guère être un nom commun (comme “poisson” ou autre) car « s’il s’agissait d’un mot ordinaire, il serait fléchi grammaticalement ; étant invariable, c’est qu’il fait partie des lettres isolées de l’alphabet ».
En somme, l’interprétation la plus solide est que « Nūn » ne renvoie directement à aucune créature, mais constitue l’un de ces symboles alphabétiques dont la sagesse échappe en grande partie aux humains.
Pourtant, parmi les diverses opinions rapportées dans la littérature exégétique, on trouve effectivement l’interprétation selon laquelle « Nūn » désignerait un grand poisson. D’où vient cette idée ? Principalement du fameux récit attribué à Ibn ‘Abbâs mentionné plus haut. Ainsi, des ouvrages de tafsîr comme celui d’al-Tabarî (IIIe siècle de l’Hégire) ou d’Ibn Kathîr (VIIIe siècle H.) relatent, après avoir donné l’avis principal ci-dessus, cette tradition où « Allah aurait créé le Nun (poisson) puis étalé la terre par-dessus ».
Al-Tabarî, dans son Jâmi‘ al-Bayân, cite la chaîne de transmission menant à Ibn ‘Abbâs pour enregistrer ce propos – sans pour autant le tenir pour une vérité absolue, il se borne à transmettre ce qu’il a reçu des premières générations.
De même, al-Qurtubî mentionne l’histoire du poisson et même ses variantes plus élaborées (incluant l’ange qui porte la Terre, le taureau sous la baleine, etc.), généralement en citant des sources comme Ka‘b al-Ahbâr ou des compilations antérieures –(histoires juives) - islamqa.infoislamqa.info.
Quant à Ibn Kathîr, il rapporte l’athar d’Ibn ‘Abbâs au début de son commentaire de la sourate Al-Qalam, tout en renvoyant aux ouvrages où l’on peut trouver le détail de ces narrations - islamqa.info.
Il est très important de souligner que ces exégètes ne présentent pas l’avis du “poisson” comme l’unique explication ni comme une doctrine établie. Au contraire, ils exposent plusieurs opinions divergentes sur le sens de « Nūn ».
Par exemple, d’après leurs commentaires, « Nūn » a été interprété soit comme une lettre isolée, soit comme le nom d’un animal marin (poisson), soit comme le symbole d’un objet d’écriture (encrier ou tablette).
Tous ces avis sont rapportés côte à côte, ce qui réfute l’idée d’une unanimité sur la version de la baleine.
D’ailleurs, ces mêmes exégètes montrent une préférence marquée pour l’opinion que « Nūn » est simplement une lettre mystique. Nous avons vu les propos explicites d’Ibn Kathîr et de Qurtubî en ce sens.
Al-Râzî également conclut que « la vérité est que ‘Nūn’ est soit le nom de la sourate, soit une lettre servant de défi miraculeux comme au début d’Al-Baqarah ».
Les Jalalayn (Jalâl al-Dîn al-Mahallî et Jalâl al-Dîn al-Suyûtî) écrivent sans ambages : « “Nūn” fait partie des lettres isolées, Dieu en connaît le sens véritable ».
Ainsi, prétendre que « tous les grands exégètes affirment que la Terre est sur un poisson » est un sérieux contre-sens. Certes, l’opinion du “poisson Nun” est citée dans leurs ouvrages, mais comme une narration parmi d’autres, généralement d’emprunt israélite, et non comme une croyance validée.
Ces savants avaient une démarche encyclopédique : ils consignaient divers récits antérieurs sur un Verset donné, avec leurs chaînes de transmission, afin de préserver le patrimoine d’interprétations – quitte à inclure des versions faibles ou légendaires.
Il incombait ensuite au lecteur ou à l’érudit de trancher quant à la fiabilité de ces versions, à la lumière des critères de la Charia. Par exemple, al-Tabarî enregistre la tradition d’Ibn ‘Abbâs sur le Nun sans la censurer, mais il précise ailleurs que ce type de récit doit être pris avec réserve.
De nos jours, les commentateurs de l’édition critique du Tafsîr de Qurtubî notent à propos de l’histoire de la baleine et du taureau que « c’est un récit isrâ’îlî sans aucun fondement (lā aṣla lahū), qu’il aurait mieux valu ne pas mentionner ».
Ibn Kathîr, de son côté, après avoir rapporté plusieurs de ces histoires dans son ouvrage historique (Al-Bidâyah wa-n-Nihâyah), conclut qu’« elles relèvent des isrā’īliyyāt » et que bon nombre de leurs détails invraisemblables « semblent clairement provenir des légendes des Banû Isrâ’îl » - islamqa.info.
On voit donc que les savants musulmans eux-mêmes ont signalé le caractère douteux de ces récits et ne les ont jamais considérés comme des vérités établies de la religion.
Absence d’authenticité et rejet de la légende de la Terre sur un poisson
Non seulement le concept d’une Terre soutenue par une baleine n’est pas appuyé par les sources authentiques, mais il a en outre été explicitement rejeté par les plus grandes autorités en raison de son manque total de fiabilité.
Comme évoqué précédemment, aucune chaîne de transmission fiable (isnâd sahîh) ne remonte au Prophète ﷺ à ce sujet. L’unique Hadith marfū‘ (c’est-à-dire attribué au Prophète paix sur Lui) qui décrit une cosmologie avec un poisson, un rocher et un taureau a été examiné par les spécialistes et déclaré non authentique.
L’imam al-Tabarânî en a rapporté une version, mais celle-ci comporte un narrateur connu pour ses erreurs (Mu‘âmal ibn Ismâ‘îl) et n’est pas acceptée par les Hadithologues.
Aucun Hadith valide n’atteste donc cette histoire – au contraire, les quelques textes existants sont classés soit faibles, soit fabriqués par les maîtres du Hadith (à l’instar de l’imam al-Albânî qui a répertorié le récit de la baleine comme mawdū‘ (faux, inventé) dans sa compilation de Hadiths faibles - islamqa.info).
Dès lors, la présence de ce récit dans certains livres n’en fait pas une vérité de Foi.
Les ouvrages de tafsîr classiques ne sont pas des recueils de dogmes, mais des recueils d’interprétations et de traditions. Ils contiennent parfois des matériaux historiques ou narratifs non triés du point de vue de l’authenticité. C’est au lecteur avisé de distinguer le solide du légendaire.
Tous les savants orthodoxes s’accordent à dire que ces narrations relevant du mythe n’engagent en rien la croyance musulmane. L’éminent juriste et théologien Ibn Hajar al-‘Asqalânî note, en commentaire d’un Hadith, que certains Compagnons rapportaient des isrā’īliyyāt pour illustrer un point mais sans y adhérer nécessairement.
De même, l’érudit contemporain Shaykh Muhammad al-Munajjid (IslamQA) conclut au terme d’une analyse détaillée que « rien de tout cela n’est prouvé ni reconnu comme faisant partie des enseignements de la religion, ce ne sont que des rapports provenant des premières générations et dont l’origine remonte clairement aux sources juives ». Il ajoute que « puisqu’ils ne sont mentionnés ni dans le Livre d’Allah ni dans la Sunna de Son Messager, il convient de s’en abstenir et d’en laisser la connaissance à Allah, Le Savant de l’invisible » - islamqa.info.
En d’autres termes, le musulman n’a pas à croire à ces histoires de baleine ou de taureau cosmique – il doit simplement dire « Allah sait mieux » et revenir aux vérités certaines enseignées par le Coran et les Hadiths sûrs.
Enfin, soulignons que pas un seul savant musulman reconnu n’a jamais intégré l’idée d’une Terre portée par un poisson dans les crédo ou les traités de théologie. Les croyances islamiques fondamentales (telles qu’exposées dans les textes de dogme, les ‘aqîda) se gardent bien de ces détails invérifiables.
Au contraire, les théologiens mettent en garde contre l’adoption de récits sans preuve solide. Le grand savant indien Shah Waliyyullâh Dehlawi (XVIII^e s.) écrivait que les isrā’īliyyāt ne doivent être ni complètement crues ni complètement reniées, et que toute affirmation contraire au consensus des preuves scripturaires doit être rejetée. Ainsi, la communauté savante a fermement écarté la légende de la “Terre sur un poisson” comme n’ayant aucune base dans la religion révélée.
Conclusion
Il ressort clairement que l’Islam ne soutient en aucune façon l’idée que la Terre reposerait sur une baleine ou un quelconque animal. Cette notion découle de récits non authentiques d’origine israélite, transmis à l’époque des premiers commentateurs mais dénués de toute autorité doctrinale.
Les grands exégètes sunnites (Ibn Jarir al-Tabarî, al-Qurtubî, Ibn Kathîr, etc.) ont bien mentionné à titre documentaire le récit du « Nun – le poisson géant », mais ils ne l’ont ni érigé en dogme ni rapporté de manière unanime et exclusive. Au contraire, ils ont présenté d’autres explications plus fiables de la lettre Nūn, et les érudits tant anciens que modernes ont signalé le caractère légendaire et étranger de l’histoire de la Terre soutenue par un poisson - islamqa.infoislamqa.info.
En islam, les croyances se fondent sur ce qui est établi par preuve textuelle certaine, non sur des fables populaires. Affirmer que « le Coran enseigne que la Terre est sur une baleine » ou que « les savants musulmans y croient tous » est une contre-vérité flagrante, souvent propagée par malveillance ou par ignorance. Nous mettons donc en garde contre l’exploitation de ces récits fantaisistes pour dénigrer l’islam ou ridiculiser les musulmans. Cela relève soit de l’ignorance des sources islamiques authentiques, soit de la mauvaise foi consistant à sortir des éléments non fiables de leur contexte pour tromper le public. Note : ce que fait d'ailleurs l'Incroyable Manipulateur...
Les musulmans, quant à eux, doivent prendre soin de ne pas colporter ce genre d’histoires sans fondement au nom de leur religion. Notre Foi nous demande de dire « Allah et Son Messager savent mieux » lorsque l’information est douteuse, et de nous en tenir à ce qui est avéré. En définitive, l’islam n’a aucune crainte de la science ou de la raison : il n’enseigne pas que la Terre est plate posée sur un poisson, mais bien qu’Allah « a créé les cieux et la terre en toute vérité » (Coran 29:44) et que Lui seul détient les clés des mystères de l’univers. Gardons-nous donc des mythes sans preuve, et référons-nous aux sources authentiques pour connaître la vérité de la religion - islamqa.info.
References :
- Islam Question & Answer (islamqa.info) – False reports about the earth being placed on the back of a bull (and related legends) - islamqa.infoislamqa.infoislamqa.info.
- Ṣaḥīḥ al-Bukhārī – Kitāb Tafsīr al-Qur’ān (rapport d’Abū Hurayrah sur l’attitude envers les Ahl al-Kitāb) - islamqa.info.
- Tafsīr Ibn Kathīr, Tafsīr al-Qurṭubī, Tafsīr al-Ṭabarī – voir commentaires de la sourate Al-Qalam (68:1) et analyses des isnāds correspondants.
- Patel, Mawlana Ilyas. “Is It True That Islam Says That the Earth Is on the Back of a Whale?” .
- Collectif Sahab-Ed-Dine. « La Terre reposerait sur une baleine selon le Coran ?! » – Découvrir l’Islam...
J'aimerais, pour apporter un plus à cet article, évoquer la rotation de la Terre et des Montagnes, son caractère sphérique selon les Sources Musulmanes :

La rotation de la Terre et des montagnes :
Allah – Exalté soit-Il – a dit : {Et tu verras les montagnes, tu les crois figées, alors qu’elles passent comme passent les nuages. C’est l’œuvre d’Allah qui a tout façonné à la perfection.} (Sourate An-Naml, verset 88)
Autrefois, les gens pensaient que la Terre et ses montagnes étaient immobiles. Ils prenaient cela comme un exemple de stabilité. Puis le Coran est venu contredire ce que leurs esprits avaient admis, et il leur a parlé d’un phénomène cosmique étonnant, en disant : « Tu vois les montagnes et tu les crois figées, alors qu’elles passent comme passent les nuages. »
C’est-à-dire que les montagnes, comme les nuages, ne bougent dans le monde visible que si quelque chose les pousse à se mouvoir. Dans le cas des nuages, ce sont les vents qui les déplacent.
De la même manière, les montagnes ne se déplacent pas par elles-mêmes, mais leur mouvement est lié à celui de la Terre, car elles en sont comme les piquets (ancrés en elle). Leur mouvement est donc le même que celui de la Terre. Ainsi, si la Terre bouge et tourne, les montagnes bougent aussi et passent comme les nuages.
Sinon, comment comprendre que les montagnes puissent passer comme les nuages, alors qu’il n’existe aucun phénomène connu pouvant les mettre en mouvement de manière indépendante ?
La conclusion est que tout bouge, et qu’il n’y a rien de vraiment fixe – c’est là une réalité scientifique et cosmique, parfaitement exprimée par ce Verset.
Source : La Foi en Allah, Tome 1, Cheikh A-Salâbî qu'Allah Ta3ala Le Préserve, P44, Editions Dâr Ibn Kathir.
Concernant Le fait que La Terre est ronde selon l’islam : un consensus clair des savants
Contrairement à certaines idées reçues ou accusations malveillantes, l’islam ne s’oppose en rien à l’idée que la Terre est ronde. Bien au contraire, les savants musulmans sont unanimes depuis des siècles à reconnaître la sphéricité de la Terre, en se basant sur des preuves religieuses, rationnelles et empiriques.
Selon la fatwa n° 118698 publiée sur le site IslamQA, il existe un consensus clair (ijmā‘) parmi les savants musulmans sur le fait que la Terre est sphérique. Ce consensus a été affirmé par de grandes autorités classiques comme:
- Ibn Taymiyya, qui a dit clairement : « Les savants sont unanimes sur le fait que la Terre est ronde » ;
- Ibn Hazm, qui a mentionné que l’ensemble des érudits musulmans et non musulmans s’accordaient sur ce point ;
- Al-Qurtubî, qui affirme également que la forme sphérique de la Terre n’est pas une croyance nouvelle mais bien connue dès les premiers siècles.
De plus, le Coran lui-même contient des versets qui ne contredisent pas cette réalité, et certains les ont même compris comme compatibles avec la sphéricité, comme le verset : {Il enroule la nuit sur le jour et enroule le jour sur la nuit…} (Sourate Az-Zumar, verset 5) – le verbe utilisé en arabe (yukawwir) vient de la racine de takwīr, qui signifie « enrouler comme un turban », ce qui suggère une forme circulaire.
Il faut donc être clair :
👉 Dire que la Terre est plate n’est pas une croyance islamique ;
👉 Dire que l’islam enseigne cela est une erreur ou un mensonge.
En conclusion
La Terre est ronde, et cela est pleinement accepté en islam depuis longtemps. Loin de rejeter la science ou l’observation, l’islam a toujours encouragé la recherche et la compréhension du monde. Accuser les musulmans ou le Coran de croire en une Terre plate est donc injuste et infondé.
Je souhaite contribuer activement à la rédaction de la revue, à la publication d’articles et à la réalisation de livres à venir, in châ’a Allah ta‘âlâ.
Mon engagement vise à participer à l’éveil d’une Conscience Musulmane, lucide et ancrée dans son temps, face aux défis majeurs d’aujourd’hui.
J’aspire à diffuser une parole sage et apaisée, porteuse de paix, qui désamorce les tensions et participe à faire reculer l’islamophobie, le racisme et la haine sous toutes leurs formes.