Contexte : un attentat sanglant au Cachemire et montée des tensions


Le 22 avril 2025, une attaque terroriste d’une rare violence a visé des civils dans la localité touristique de Pahalgam, au Cachemire indien, faisant 26 morts selon un bilan provisoire. Bien que l’attentat n’ait pas été revendiqué, New Delhi a rapidement accusé Islamabad d’y avoir eu une part, ce que le Pakistan a fermement démenti.

Cet événement, le plus meurtrier contre des civils au Cachemire indien depuis plus de vingt ans, a fait basculer les deux puissances voisines dans une nouvelle crise diplomatique et militaire. L’Inde et le Pakistan – deux pays dotés de l’arme nucléaire ayant déjà connu plusieurs guerres depuis leur indépendance – se sont retrouvés sur le pied de guerre, avec des échanges de tirs quasi quotidiens le long de leur frontière commune au Cachemire.

Dans les jours ayant suivi l’attentat, chacun a pris des mesures de rétorsion : New Delhi a suspendu sa participation au traité de partage des eaux de l’Indus signé en 1960, qui régit l’approvisionnement en eau du Pakistan, tandis qu’Islamabad a fermé son espace aérien aux compagnies indiennes.

Le premier ministre indien, Narendra Modi, a même menacé de « couper l’eau » des fleuves s’écoulant vers le Pakistan – une déclaration accompagnant la suspension du traité – afin de « servir les intérêts de l’Inde ».

Le Pakistan a dénoncé cette décision et averti que toute manipulation du débit des cours d’eau communs serait considérée comme « un acte de guerre ». Dans ce climat explosif, la communauté internationale a multiplié les appels au calme, redoutant une escalade incontrôlable entre les deux ennemis intimes.

Des frappes aériennes indiennes dans trois régions pakistanaises

Mardi 6 mai au soir, la crise a franchi un nouveau palier. New Delhi a annoncé avoir lancé une opération militaire d’envergure, nom de code « Opération Sindoor », contre des cibles situées en territoire pakistanais. Selon un communiqué du gouvernement indien, des missiles ont frappé plusieurs « sites terroristes » au Pakistan, présentés comme des bases servant à préparer des attaques contre l’Inde.

L’état-major indien affirme avoir visé un total de neuf sites distincts, en veillant à éviter toute cible militaire pakistanaise, afin de limiter l’escalade du conflit. D’après les informations communiquées par le Pakistan et recoupées par des journalistes sur le terrain, les frappes ont touché trois zones : deux dans le Cachemire pakistanais (notamment vers Kotli et Muzaffarabad) et une dans la province du Pendjab (secteur de Bahawalpur). Des correspondants de l’Agence France-Presse basés au Cachemire pakistanais et au Pendjab ont rapporté avoir entendu plusieurs fortes explosions dans la nuit, confirmant l’intensité de ces frappes.

Une explosion illumine le ciel nocturne à Bahawalpur, dans la province pakistanaise du Pendjab, lors des frappes indiennes du 6 mai 2025. Ces détonations ont provoqué des pannes de courant dans la ville, qui a été plongée dans le noir selon des témoins.

Les frappes ont eu lieu peu après minuit (heure locale), par voie aérienne, sans que l’on sache avec certitude si elles ont été menées par des avions de combat indiens ou par des missiles à longue portée tirés depuis le territoire indien. Fait notable, l’aviation indienne n’a pas eu besoin de pénétrer dans l’espace aérien pakistanais pour mener l’opération, a affirmé un porte-parole militaire d’Islamabad. Les projectiles auraient été tirés depuis le côté indien de la frontière, épargnant aux pilotes de New Delhi le risque d’une confrontation directe avec la chasse pakistanaise.

Bilan provisoire et premières conséquences militaires

Le Pakistan a confirmé dans la nuit que plusieurs de ses zones ont été touchées quasi simultanément. Un bilan humain a été communiqué par l’Inter-Services Public Relations (ISPR), la branche médiatique de l’armée pakistanaise : trois morts et douze blessés sont à déplorer du côté pakistanais, selon ce premier décompte. Parmi les sites frappés figureraient, selon Islamabad, une mosquée située à Bahawalpur ainsi que des installations dans les régions de Kotli, Muzaffarabad, Bagh (Cachemire administré par le Pakistan) et Muridke (Pendjab). Des images diffusées par les télévisions pakistanaises montrent des explosions embrasant le ciel nocturne et la population locale sous le choc. À Bahawalpur, des témoins cités par la presse ont indiqué que la ville a subi une coupure de courant générale immédiatement après les déflagrations, signe de l’ampleur des dommages matériels causés.

Côté indien, aucune perte n’est à signaler, l’opération ayant été menée intégralement sur le sol pakistanais. En prévision d’une éventuelle contre-offensive d’Islamabad, l’armée indienne a placé ses bases frontalières en état d’alerte maximal. De son côté, le Pakistan a fait décoller l’ensemble de ses avions de chasse pour patrouiller dans son espace aérien juste après les frappes, par crainte d’autres incursions. Les autorités pakistanaises assurent que leurs défenses aériennes sont pleinement mobilisées et affirment même avoir engagé des mesures de riposte immédiates dans la nuit, sans donner de détails sur la nature de ces contre-attaques en cours. Aucune information indépendante n’a pour l’instant filtré sur d’éventuelles cibles indiennes atteintes en retour.

Réaction officielle de New Delhi : une frappe « antiterroriste » mesurée

Au lendemain de l’opération, le gouvernement indien a justifié son action en invoquant la légitime défense contre le terrorisme. « Il y a peu, les forces armées indiennes ont lancé l’opération Sindoor en frappant des infrastructures terroristes au Pakistan (…) d’où les attaques terroristes contre l’Inde ont été organisées et dirigées », a déclaré New Delhi dans un communiqué rendu public dans la nuit. Les autorités indiennes soulignent avoir ciblé exclusivement des objectifs liés à des groupes terroristes, en représailles directes à l’attentat de Pahalgam. « Aucune installation militaire pakistanaise n’a été visée », insiste l’armée indienne, qui affirme avoir fait preuve d’une retenue considérable dans le choix des cibles et la méthode d’exécution. Autrement dit, l’Inde cherche à limiter la portée de son raid en le cantonnant à une action « anti-terroriste » précise, et non comme une déclaration de guerre ouverte à son voisin.

Dans son communiqué, le ministère indien de la Défense rappelle le lourd bilan de l’attentat de Pahalgam (25 citoyens indiens et 1 touriste népalais tués) pour légitimer l’opération. « Nous tenons la promesse que les responsables de cette attaque seront tenus pour comptables de leurs actes », ajoute la partie indienne, qui qualifie son intervention de « ciblée, mesurée et non escalatoire », menée en conformité – selon elle – avec le droit de poursuite des auteurs d’attentats. Une conférence de presse détaillée sur les résultats de l’Opération Sindoor devrait être organisée par New Delhi dans les prochaines heures, a annoncé le gouvernement indien. Pour l’heure, aucune indication n’a été donnée sur d’éventuels combattants tués ou infrastructures détruites, mais les médias indiens évoquent une frappe réussie contre plusieurs camps d’entraînement jihadistes actifs au Cachemire et au Pendjab pakistanais.

Colère à Islamabad : condamnation et promesse de représailles

La réaction pakistanaise a été immédiate et virulente. À Islamabad, l’offensive indienne a été qualifiée d’« attaque lâche et honteuse », violant la souveraineté du Pakistan. « L’ennemi lâche, l’Inde, a lancé des frappes aériennes sur la mosquée Subhanullah dans le quartier Ahmed East de Bahawalpur, ainsi que sur Kotli et Muzaffarabad (…) depuis son propre espace aérien », a dénoncé tard dans la nuit le lieutenant-général Ahmed Sharif Chaudhry, porte-parole de l’armée pakistanaise.

Celui-ci a fustigé une agression menée sans oser entrer physiquement dans le ciel pakistanais, preuve selon lui de la « couardise » de l’Inde. Le ministère pakistanais des Affaires étrangères a publié un communiqué condamnant une violation flagrante de l’intégrité territoriale du Pakistan et affirmant que cette action « ne restera pas sans réponse ». Le chef de l’armée pakistanaise, le général Asim Munir, a de son côté assuré que l’attaque indienne « recevra une réponse au moment et à l’endroit de notre choix », laissant entendre que la riposte pourrait être différée mais inéluctable.

Le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif a convoqué en urgence une réunion du cabinet de sécurité nationale. D’après des sources militaires, le Pakistan envisage plusieurs options de riposte : frappes ciblées contre des postes militaires indiens le long de la Ligne de Contrôle (LoC) au Cachemire, démonstrations de force balistiques, ou intensification du soutien aux insurgés cachemiris. Dans l’immédiat, Islamabad a saisi les instances diplomatiques. Une protestation officielle a été transmise à l’Inde via les canaux de l’ambassade suisse qui représente les intérêts pakistanais à New Delhi. Le Pakistan a également sollicité une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU pour discuter de la situation. Quelques heures avant les frappes, Islamabad avait prévenu avoir des renseignements crédibles indiquant qu’une attaque indienne était imminente et juré d’y répondre « de manière déterminée et décisive ». Désormais, la menace d’une confrontation militaire directe entre les deux pays est devenue bien réelle aux yeux du gouvernement pakistanais, qui en appelle à la solidarité internationale.

Réactions internationales et risques géopolitiques

La flambée de violence entre deux puissances nucléaires inquiète au plus haut point la communauté internationale. Dès l’annonce des frappes indiennes, plusieurs pays et organismes ont exhorté les deux adversaires à la retenue. Les États-Unis ont appelé l’Inde et le Pakistan à « œuvrer à une résolution responsable » de ce conflit, afin de préserver la paix et la stabilité en Asie du Sud. « Nous continuons d’exhorter le Pakistan et l’Inde à travailler ensemble à une désescalade (...) et nous restons en contact avec les deux gouvernements à divers niveaux », a déclaré mardi soir Tammy Bruce, porte-parole du département d’État américain. Washington, qui entretient des relations stratégiques avec New Delhi tout en souhaitant éviter l’embrasement du Pakistan, propose discrètement ses bons offices pour rétablir le dialogue entre les deux rivaux.

L’Organisation des Nations unies a également réagi fermement. La veille de l’attaque, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, avait exprimé sa « profonde préoccupation » face à la montée des tensions indo-pakistanaises et souligné « la nécessité d’éviter une confrontation qui pourrait avoir des conséquences tragiques », offrant la médiation de l’ONU pour faciliter une désescalade. Après les frappes, M. Guterres a renouvelé son appel à la « retenue maximale » et exhorté les deux parties à « revenir au dialogue et s’éloigner du bord du gouffre », rappelant qu’« aucune solution militaire » n’était viable dans ce conflit. D’autres puissances, dont la Chine (allié traditionnel d’Islamabad) et plusieurs membres de l’Union européenne, ont fait part en privé de leur inquiétude et encouragé une résolution diplomatique de la crise, selon des sources diplomatiques.

Sur le terrain cependant, le risque d’escalade militaire est tangible. Les échanges de tirs d’artillerie et de mitrailleuses se sont intensifiés ces dernières nuits le long de la Ligne de Contrôle au Cachemire, faisant craindre un embrasement localisé qui pourrait dégénérer. Chaque camp dispose d’une armée puissante et modernisée – l’Inde comme le Pakistan ont accru ces dernières années leurs capacités balistiques et aériennes – ce qui alourdit les conséquences potentielles de toute confrontation ouverte. Les deux voisins, ennemis depuis la partition de 1947, ont déjà frôlé la guerre totale à plusieurs reprises au cours des dernières décennies, notamment en 1999 (lors du conflit de Kargil) et en 2019, lorsque l’Inde avait mené une frappe aérienne en territoire pakistanais après un attentat au Cachemire. À chaque fois, l’engrenage fut stoppé de justesse sous la pression internationale.

Aujourd’hui, la communauté internationale redoute un embrasement incontrôlable entre New Delhi et Islamabad, qui pourrait avoir des implications régionales et mondiales graves. « Les tensions entre l’Inde et le Pakistan sont à leur plus haut niveau depuis des années » a constaté António Guterres, appelant les dirigeants des deux pays à « s’éloigner du point de rupture ».

Reste à voir si les appels au calme seront entendus. Dans l’immédiat, le Pakistan exige de l’Inde qu’elle fournisse des preuves de ses allégations terroristes et qu’elle cesse toute nouvelle violation de son territoire. L’Inde, elle, martèle qu’elle « ne cherchera pas l’escalade, mais se tiendra prête à toute éventualité », tout en exhortant le Pakistan à sévir contre les groupes extrémistes opérant depuis son sol. Plus que jamais, la région du Cachemire redevient le point chaud d’une confrontation aux enjeux potentiellement cataclysmiques, sous le regard attentif – et anxieux – du reste du monde.

Sources : Agence France-Presse, Reuters, Le Monde, Le Figaro, Dawn, autorités indiennes et pakistanaises