Propagande islamophobe en France : quand les médias banalisent la haine
On a l'impression que ce discours de haine est soutenue, souhaitée par tout un système... Tristement...
Les médias grand public (notamment la chaîne CNews du groupe Bolloré) servent de tribune à des discours ouvertement anti-musulmans. Sur les plateaux, des propos islamophobes y abondent, sans réelle critique interne.

Par exemple, Éric Zemmour sur CNews a qualifié les « mineurs isolés » (souvent maghrébins) de “voleurs, violeurs et assassins”1.
De même, Matthieu Delormeau (CNews) a lancé : “sur la plage à Marseille, toutes les femmes sont voilées… je l’ai vérifié, j’en ai même pris en photo”2.
Ces exemples concrets montrent comment des chroniqueurs et polémistes jettent l’opprobre sur toute une communauté en direct à la télévision.
Éric Zemmour lors d’un meeting politique (Photo AFP). En multipliant appels à l’« islamisation » et amalgames, ces discours extrémistes façonnent un climat de peur vis-à-vis des musulmans3.
Exemples récents. Sur CNews (octobre 2025), Delormeau a stigmatisé les femmes voilées comme intrinsèquement “à part”4.
Normalisation de la haine. Même sans sanction immédiate, ces paroles restent diffusées largement. D’autres chroniqueurs ou éditorialistes de CNews relaient des thèses similaires (théorie du « grand remplacement », dénonciation de « l’islamisation ») sans être interrompus. La répétition de tels propos en continu les banalise aux yeux du public, faisant passer des discours extrémistes pour de la « simple opinion ».
Justice à deux vitesses : citoyens musulmans vs médias
Tandis que les personnalités médiatiques tiennent des propos incendiaires en liberté, des musulmans « ordinaires » subissent la répression dès qu’ils expriment la moindre colère ou soutien politique. Depuis la guerre israélo-palestinienne de 2023, de nombreux Français musulmans ont été inculpés pour « apologie du terrorisme » après avoir relayé sur les réseaux une vidéo ou un slogan : prononcer le moindre mot de soutien aux Palestiniens suffit souvent à déclencher des poursuites.
Injustice flagrante. Par contraste, un Zemmour décrivant des immigrés comme « une invasion permanente » n’est sanctionné que financièrement, et les chaînes qui l’invitent ne sont que rarement pointées du doigt. Pire, CNews a même été condamnée en 2020 par le CSA (devenu Arcom) à 200 000 € d’amende pour « non-maîtrise de l’antenne » après une série de dérapages racistes, mais continue de fonctionner quasi normalement. On constate ainsi une hypocrisie : le simple citoyen musulman risque la prison, le gel de ses avoirs, pour son engagement contre l’islamophobie, pour une Expression Musulmane, alors que les propos explicitement islamophobes des chaînes d’info restent pratiquement impunis et disons le, sont la norme, l’atmosphère.
Laïcité dévoyée : stigmatisation des signes religieux
La République française a pour principe la laïcité, qui garantit théoriquement la neutralité de l’État vis-à-vis des religions. Mais aujourd’hui ce principe est détourné contre les musulmans. Sous prétexte de « laïcité », on légalise l’interdiction du voile dans toujours plus d’espaces publics, alors même que la loi de 1905 ne l’impose pas. Comme l’explique Gilles Clavreul (ex-« Printemps républicain ») : « La laïcité […] ne prévoit rien d’un tel interdit : elle protège, au contraire, la liberté de manifester sa foi en public »5. En réalité, invoquer la laïcité pour proscrire le voile ou le burkini revient à donner une couleur religieuse à un débat politique.
Citation (G. Clavreul) : « Interdire le voile dans la rue au nom de la laïcité ? On se souvient de Zemmour. Or, la laïcité telle qu’elle découle de la loi de 1905 ne prévoit rien de tel : elle protège au contraire la liberté de manifester publiquement sa foi »6.
Derrière ces débats, on entend surtout le message sous-jacent : l’islam est incompatible avec la République. Les médias proches de l’extrême droite reprennent à leur compte cette rhétorique. Par exemple, certains éditorialistes demandent de bannir tous signes religieux visibles (pas seulement le voile), ce qui, comme le souligne Clavreul, serait une rupture totale avec l’esprit de 1905.
Cette interprétation identitaire de la laïcité sert à pointer du doigt les musulmans pratiquants comme des « ennemis de l’intérieur », alors qu’en vérité ils ne font qu’exercer leur religion.
Christianisme instrumentalisé à des fins politiques
Pour mieux diviser, l’extrême droite médiatique brandit aussi le catholicisme comme étendard. Éric Zemmour, par exemple, proclame que “la France sans christianisme n’est plus la France”7 et appelle à un « réveil judéo-chrétien ». Mais des observateurs dénoncent cette récupération identitaire.
Le collectif chrétien Lutte et Contemplation (catholiques engagés) souligne que Zemmour « instrumentalise la foi chrétienne au service d’une idéologie politique excluante l’islam et les populations étrangères »8. Autrement dit, il réduit le christianisme à un simple « héritage culturel » censé définir qui est un « bon » Français, et enferme ainsi les citoyens dans un schéma nationaliste.
Dénaturation du message chrétien. Lutte et Contemplation insiste : « Ce projet politique s’enracine dans une dénaturation complète du message du christianisme pour le réduire à une identité culturelle… Le christianisme est une religion qui appelle à la conversion des cœurs… et non à l’identité ethnique ». À leurs yeux, utiliser la religion pour légitimer la haine contredit son essence même.
Réécrire l’histoire.
Par ailleurs, cette rhétorique feint d’oublier la place des musulmans dans l’histoire européenne. L’historienne Sophie Bessis (cité par Lutte et Contemplation) rappelle que parler d’« Occident judéo-chrétien » efface les liens historiques entre chrétiens et musulmans au cours des siècles.
Derrière le « marronnier » de la défense des racines chrétiennes se cache un choix politique : ériger un seul passé (« judéo-chrétien ») comme matrice de l’identité française, et rejeter tout ce qui en sort.
Soutenir le site, c'est soutenir l'hébergement, les abonnements, la rédaction de PDF, de livres, de vidéos, etc... Bref, c'est soutenir une Expression Musulmane...
Des voix chrétiennes et intellectuelles pour appeler à la vigilance
Plusieurs personnalités religieuses et intellectuelles s’élèvent contre ces dérives. Par exemple, l’historien Sébastien Fath (CNRS) analyse le discours de Zemmour comme une « mise en valeur du catholicisme d’identité » servant de ciment au national-populisme9. Selon lui, Zemmour ne célèbre pas l’Évangile mais un « catholicisme d’héritage normatif » qui contraint les citoyens à se conformer à un passé idéalisé.
De même, des journaux catholiques comme La Croix ou des collectifs chrétiens progressistes dénoncent l’alliance entre confessionnalité et extrême droite.
« Zemmour instrumentalise la foi chrétienne… au service d’une idéologie politique excluante l’islam… Au contraire, le christianisme appelle à la conversion des cœurs… et non à l’identité ethnique »
Ces voix rappellent que la laïcité elle-même (du latin laicus, « du peuple ») n’est pas l’apanage d’une vision raciste. Gilles Clavreul note que l’interdiction généralisée des signes religieux dans l’espace public serait une innovation juridique sans équivalent en Occident. Et de nombreux intellectuels soulignent que le ressassement de la peur de l’autre sert à masquer des enjeux sociaux (immigration, inégalités) bien réels.
L’empire médiatique de Vincent Bolloré
L’ascension de ces discours va de pair avec la montée en puissance de l’empire médiatique de Vincent Bolloré. En contrôlant successivement les chaînes (i-Télé devenue CNews), la radio Europe 1, le Journal du Dimanche et même des maisons d’édition (Fayard/Hachette), Bolloré a créé un puissant « réseau » de diffusion des idées d’extrême droite.
Comme le note l’Observatoire des Multinationales, « i-Télé rebaptisée CNews devient le porte-voix des idées d’extrême droite… En 2021, Bolloré prend le contrôle du JDD et d’Europe 1, qui subissent la même réorientation idéologique brutale ».
Le résultat est un matraquage médiatique continu : chaînes info, talk-shows et studios de radio répandent massivement les discours identitaires et anti-immigrés.
Ces médias « amis » propulsent Zemmour et consorts sur le devant de la scène. Comme le souligne le collectif Lutte & Contemplation, le succès de Zemmour n’est pas uniquement « populaire », mais largement le produit d’un « matraquage médiatique » orchestré par ses relations influentes dans l’empire Bolloré.
En pratique, tout opposant à la rhétorique raciste est systématiquement étouffé, tandis que les vedettes du groupe (Zemmour, Villiers, Bardella…) bénéficient d’une visibilité permanente.
Agir ensemble pour résister
Face à cette avalanche de propagande, les citoyen·ne·s n’ont pas à rester passifs. Voici quelques pistes d’action pacifique :
Informer et débattre autour de soi : expliquer les enjeux réels de la laïcité et de l’histoire, en soulignant que la France est pluraliste et que les musulmans ne menacent pas la République. Partager des articles de presse ou des tribunes qui déconstruisent ces discours permet de contrebalancer la désinformation.
Écrire aux instances de régulation : adresser des signalements à l’Arcom (ex-CSA) ou à d’autres autorités (à l’image du collectif CCIE) pour dénoncer les propos islamophobes diffusés. Plus les plaintes sont nombreuses, plus la pression s’exerce sur les médias pour qu’ils respectent la loi et la déontologie.
Boycotter et faire pression sur les annonceurs : s’informer des entreprises qui financent ces chaînes et les interpeller sur les réseaux sociaux. Le boycott publicitaire (au moyen d’appels sur les réseaux) peut forcer les groupes médias à se modérer pour ne pas faire fuir leurs revenus.
Renforcer la solidarité antiraciste : se rapprocher d’organisations citoyennes (associations antiracistes, fédérations musulmanes, collectifs de lutte contre l’islamophobie, syndicats, etc.) pour mobiliser ensemble et faire entendre des voix pluralistes. Participer à des réunions publiques, manifestations pacifiques ou pétitions contribue à faire savoir que les Français ne sont pas dupes de cette politique de la peur.
En multipliant les actions citoyennes non-violentes (lettres, pétitions, débats, etc.), on peut contrer l’idéologie identitaire diffusée par certains médias. L’important est de rappeler partout que la laïcité enseignée au collège lors du bicentenaire de la révolution française protège la diversité, pas la haine, et que l’extrémisme télévisuel ne représente pas l’ensemble des Français.
1telerama.fr
2public.fr
3Cette liste d’insultes haineuses a valu à Zemmour une condamnation pénale (10 000 € d’amende) pour provocation à la haine.
4public.fr
5lexpress.fr
6lexpress.fr
7lejdd.fr
8lutte-et-contemplation.org
9blogs.mediapart.fr
