Le récit d’Hervé Ryssen sur la conquête de l’Espagne musulmane en 711 relève moins de l’histoire que d’un mythe politique. Derrière ses phrases pseudo-documentées se cache la même matrice idéologique que celle d’Éric Zemmour : présenter l’Islam comme un envahisseur, les musulmans comme un danger civilisationnel.... Et même bien pire quand on lit et écoute attentivement Hervé qui présente les juifs de cette époque comme des traîtres ayant trahi une supposée "Europe chrétienne" homogène. Or, l’histoire réelle de l’Andalousie contredit totalement cette simplification manichéenne.

🕊️ Le contexte oublié : un royaume wisigoth déchiré

En 711, l’Espagne wisigothe est un royaume épuisé par les luttes internes. Le roi Roderic a usurpé le trône après un coup d’État contre la légitime dynastie précédente. De nombreux nobles et chrétiens ne le reconnaissent pas. Parmi eux, Julien, comte de Ceuta, demande l’aide des musulmans du Maghreb après que Roderic a déshonoré sa fille.
Ce détail est fondamental : la conquête musulmane débute sur demande d’un chrétien et non par une invasion arbitraire. L’armée de Ṭāriq ibn Ziyād n’est pas une "horde étrangère", mais un corps mixte de Berbères, d’Arabes et d’alliés ibériques hostiles à la tyrannie de Roderic.

Des chrétiens combattent donc aux côtés des musulmans pour renverser un roi injuste ce qui anéantit les conclusions d'Hervé Ryssen concernant ladite trahison juive. On remarque qu'il occulte l'alliance des chrétiens avec le Monde Musulman.

✡️ Les juifs d’Espagne : un peuple persécuté, pas des traîtres

Depuis le concile de Tolède (VIe siècle), les juifs sont exclus de la citoyenneté, interdits d’exercer certaines professions, contraints au baptême et soumis à des rafles par le pouvoir wisigoth. Le règne d’Egica (687-702) et de Roderic fut particulièrement dur : confiscations, déportations, esclavage.

Lorsque Ṭāriq ibn Ziyād entre dans la péninsule, les communautés juives voient enfin la possibilité d’échapper à des décennies de persécutions. Leur coopération avec les musulmans ne relève donc pas d’une "trahison", mais d’un instinct de survie et d’un espoir de justice.
Les sources arabes, latines et hébraïques s’accordent sur un point : les musulmans ont permis aux juifs de pratiquer leur religion librement, là où les royaumes chrétiens les avaient opprimés. C'est cela l'Islam n'en déplaise aux ignares islamophobes...

Parler de "trahison" est donc absurde : comment peut-on trahir un royaume qui vous brûle, vous déporte et vous interdit d’exister ?

🤝 Une alliance tripartite : chrétiens, musulmans et juifs

L’Andalousie naissante n’est pas un bloc musulman opposé à un bloc chrétien ou juif.
Les premières décennies de la présence musulmane en Espagne montrent une cohabitation et même une coopération entre les trois communautés :

  • Des chrétiens mozarabes vivent sous autorité musulmane en conservant leurs églises et leurs évêques.
  • Des juifs retrouvent leurs synagogues et deviennent médecins, traducteurs, juristes.
  • Des musulmans assurent l’ordre et la justice selon la loi islamique, qui protège les “gens du Livre”.

Cette société tripartite donnera plus tard l’âge d’or intellectuel d’al-Andalus, dont même les historiens occidentaux reconnaissent la grandeur.
Le savant juif Maimonide y étudiera la philosophie grecque traduite par des musulmans. Des chrétiens y traduiront Aristote de l’arabe vers le latin. C’est l’islam qui transmettra la science grecque à l’Europe médiévale, pas le contraire.

⚖️ Ce que Ryssen et Zemmour refusent d’admettre

Hervé Ryssen, comme Éric Zemmour, réécrit l’histoire pour nourrir une opposition factice : d’un côté, une "Europe judéo-chrétienne" fantasmée ; de l’autre, un "Islam envahisseur".
Or cette "alliance judéo-chrétienne" qu’ils invoquent aujourd’hui n’existait pas au Moyen Âge.
Les juifs étaient persécutés, exilés, réduits en esclavage par les royaumes chrétiens ; ils trouvèrent refuge et dignité sous les dynasties musulmanes d’al-Andalus, d’Égypte, de Perse et du Maghreb.

Quant à l’Islam, loin d’être intrinsèquement antisémite comme le prétend Zemmour, il a institué dès le VIIe siècle le statut protecteur des “ahl al-kitâb” (gens du Livre).
Les musulmans n’ont pas seulement toléré les juifs : ils ont collaboré avec eux, étudié à leurs côtés, échangé le savoir et le commerce.

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Bayt Al-MuslimBayt Al-Muslim

Contrairement aux calomnies de Zemmour et d'autres, le Coran ne qualifie pas les juifs et les chrétiens de chiens et de cochons...

🧩 Conclusion

Le discours de Ryssen et de Zemmour relève du même fantasme : diviser, opposer, réécrire l’histoire à des fins idéologiques.
Ils parlent d’"invasion" là où il y eut libération d’un peuple opprimé ; ils parlent de "trahison juive" là où il y eut recherche d’asile et d’alliance ; ils parlent de "doctrine étroite du Coran" là où il y eut la plus grande ouverture intellectuelle du Moyen Âge.

L’histoire d’al-Andalus n’est pas celle d’une invasion étrangère, mais celle d’une renaissance humaine et spirituelle, née d’un refus de l’injustice, portée par des hommes de toutes confessions.
Et c’est précisément ce que ceux qui nourrissent la haine religieuse, hier comme aujourd’hui, refusent d’admettre : que l’islam fut souvent du côté de la justice, de la connaissance et de la coexistence.