Réfutation du point #9 de l’abbé Guy Pagès : la miséricorde en Islam n’est ni condescendance ni contradiction
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Dans le point 9 de Interroger l’Islam, l’abbé Guy Pagès prétend qu’Allah, en étant « miséricordieux » (rahmân, rahîm), serait en réalité « condescendant », parce que – selon lui – Dieu n’étant pas un homme, il ne pourrait pas traiter les humains « d’égal à égal ». Cette affirmation repose sur un ensemble de contresens linguistiques, théologiques et logiques, que nous allons exposer.


1. Une erreur de vocabulaire : confondre miséricorde et égalité
L’abbé affirme que, Dieu n’étant pas un homme, il serait incapable de « traiter l’homme d’égal à égal », et donc que Sa miséricorde serait une forme de condescendance. C’est un non-sens.
En Islam :
La miséricorde ne suppose jamais l’égalité entre Dieu et les créatures.
Elle suppose la bonté, la générosité, le pardon, la proximité, mais jamais l’égalisation.
L’arabe distingue très clairement :
- al-rahma (la miséricorde) : bonté absolue, compassion divine.
- al-mukâfa'a (égalité de traitement) : notion totalement différente.
L’abbé projette donc sur l’Islam une idée chrétienne particulière : la nécessité de l’Incarnation pour que Dieu puisse être « proche » de l’homme.
Or cette idée est étrangère au monothéisme abrahamique et absente aussi bien de la Torah que du message de Jésus avant Paul.
2. Une erreur théologique : la miséricorde divine est parfaite précisément parce que Dieu n’est pas homme
L’abbé Pagès semble considérer que seule une divinité devenue homme serait capable d’aimer et de pardonner réellement.
Pourtant, dans la Bible elle-même :
- Dieu dit : « Je suis Dieu, et non pas un homme » (Osée 11:9)
- Et il pardonne pourtant : « Car c’est moi qui pardonnerai leur faute » (Jér. 31:34)
Donc même dans la théologie biblique ancienne :
- La miséricorde ne dépend pas de l’incarnation.
- L’amour divin ne dépend pas de la nature humaine de Dieu.
Le raisonnement de l’abbé se retourne donc contre sa propre tradition.
3. Une erreur sur l’Islam : Allah n’est pas “condescendant”, Il est miséricordieux par essence
L’un des Noms les plus répétés du Coran est :
الرحمن الرحيم — Ar-Rahmân, Ar-Rahîm
(Le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux).
Ces attributs :
- précèdent toute chose,
- s’appliquent à toute l’humanité,
- ne supposent aucune humiliation.
L’abbé Pagès confond la miséricorde divine avec une attitude humaine de supériorité. Mais en Islam :
La miséricorde divine est absolue, non pas condescendante, car elle émane d’un être parfait.
L’homme n’est pas rabaissé par la miséricorde, il est élevé.
4. Une contradiction dans la critique chrétienne: en quoi la condescendance serait-elle un défaut?
Si l’abbé Pagès considère que la miséricorde divine est « condescendante », alors :
- soit il considère que c’est mauvais en soi,
- soit il considère que c’est impossible pour Dieu.
Dans les deux cas :
- La grâce chrétienne elle-même serait condescendante, puisqu’elle est un don gratuit d’un Dieu infiniment supérieur.
- La Rédemption serait encore plus condescendante, puisqu'elle implique que Dieu se sacrifie volontairement pour des êtres infiniment inférieurs.
Sa critique vise donc l’Islam, mais touche directement le cœur de sa propre théologie.
5. L’Islam décrit une miséricorde cohérente, proportionnée et sans favoritisme
Contrairement à ce que suggère l’abbé Pagès, la miséricorde divine en Islam n’est pas :
- une indulgence pour les péchés,
- une faiblesse,
- une injustice.
Elle est :
Une miséricorde liée à la justice
« Ma miséricorde embrasse toute chose » (Coran 7:156)
Une miséricorde liée à la responsabilité
« Allah ne lèse personne, ne fût-ce du poids d’un atome » (Coran 4:40)
Une miséricorde liée au libre arbitre
« Allah n’impose à aucune âme plus qu'elle ne peut porter » (Coran 2:286)
Il n’y a là ni arbitraire, ni favoritisme, ni contradictions.
6. Le raisonnement de l’abbé est basé sur un postulat non démontré : « Dieu doit s’incarner pour aimer »
C’est l’idée centrale derrière son accusation.
Mais ce postulat :
- n’est pas biblique,
- n’est pas rationnel,
- n’est pas universel,
- n’est pas partagé par la théologie juive ni musulmane.
La miséricorde divine, dans les religions abrahamiques, est au contraire transcendante, précisément parce que Dieu n’est pas un être limité.
7. Conclusion : la miséricorde islamique n’est pas condescendante, elle est supérieure parce qu’elle est divine
Le point 9 de l’abbé Guy Pagès repose sur :
- un contresens linguistique,
- une incompréhension théologique,
- une contradiction interne,
- et une méconnaissance de l’Islam.
La miséricorde d’Allah n’est pas « condescendante » :
elle est pure, transcendante, inépuisable, universelle.
Elle ne rabaisse pas l’homme, elle l’élève vers la connaissance, le repentir et la dignité.
En définitive :
L’objection de l’abbé Pagès ne réfute pas l’Islam : elle révèle seulement qu’il projette sur l’Islam une conception théologique étrangère à la tradition abrahamique.
