Réfutation : « La réussite de l’immigration asiatique » selon Damien Rieu — une affirmation simpliste, décontextualisée et sociologiquement fausse
Pendant ce temps, d’autres diasporas — notamment maghrébines et africaines — sont sommées de ne surtout pas fonctionner comme une communauté.

Dans un tweet devenu viral, Damien Rieu affirme que :
« La réussite de l’immigration asiatique prouve bien que le problème ne vient pas de la capacité d’accueil des Français de souche mais de la nature, de la quantité, et de la volonté de l’immigration. »
Sous une apparence de “bon sens”, cette déclaration repose sur une série de raccourcis, d’erreurs historiques et de contresens sociologiques profonds.
Voici une analyse rigoureuse.
1. Une comparaison trompeuse : les immigrations ne sont pas équivalentes, ni en contexte, ni en traitement
Comparer l’immigration asiatique (très diverse en réalité : Cambodgiens, Vietnamiens, Chinois, Laotiens…) à d’autres diasporas revient à nier totalement les contextes politiques, historiques et sociaux dans lesquels elles sont arrivées.
→ L’immigration asiatique en France est tardive et s’est produite dans un cadre institutionnel extrêmement favorable.
En particulier :
- arrivée massive après les années 1970, souvent en tant que réfugiés politiques soutenus par l’État ;
- dispositifs d’accueil, aides institutionnelles, filières d’accompagnement, parrainage officiel ;
- un contexte économique encore prospère comparé aux décennies précédentes.
Rien de comparable avec :
- l’immigration maghrébine arrivée dès les années 1950-60, massivement comme main-d’œuvre ouvrière,
- concentrée dans des cités périphériques sans structure,
- dans un contexte de logement dégradé,
- avec une pression assimilationniste très forte,
- et des discriminations systématiques documentées depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui.
2. Le rôle déterminant… du communautarisme (encouragé chez certains, combattu chez d’autres)
Damien Rieu attribue la “réussite” asiatique à une supposée “volonté d’intégration”. C’est profondément faux.
Les sociologues, les urbanistes et les économistes le montrent :
la stabilité sociale et la réussite économique des diasporas asiatiques reposent sur un élément central :
Des structures communautaires extrêmement denses :
- réseaux économiques internes ;
- solidarités familiales fortes ;
- soutien scolaire ;
- transmission culturelle et linguistique ;
- entraide professionnelle ;
- micro-entrepreneuriat soutenu ;
- capital circulant au sein de la diaspora.
Et surtout :
ces mécanismes communautaires sont valorisés et présentés positivement dans le discours public :
“discipline”, “respect”, “travail”, “solidité”, “cohésion”.
Pendant ce temps, d’autres diasporas — notamment maghrébines et africaines —
sont sommées de ne surtout pas fonctionner comme une communauté.
La moindre mosquée, association, école ou simple entraide interne devient immédiatement suspecte :
“séparatisme”, “communautarisme”, “islamisme”, “Frères musulmans”.
Cette asymétrie de traitement produit mécaniquement des résultats différents.
Un groupe est encouragé à se structurer ;
l’autre est invité à se dissoudre.
3. Des réalités historiques occultées : violences, discriminations, obstacles
Parler de “réussite” asiatique sans rappeler :
- les ratonnades asiatiques des années 70-80,
- les discriminations à l’embauche et au logement,
- la surveillance politique des communautés issues d’Afrique du Nord,
- l’empêchement de toute structuration musulmane depuis 40 ans,
- la fermeture ou l’étouffement d’écoles musulmanes pourtant excellentes,
revient à raconter une histoire totalement amputée.
L’État a facilité la structuration de certaines communautés, tandis qu’il a empêché la structuration d’autres, en particulier musulmanes.
4. Les Maghrébins réussissent massivement — mais les médias ne le montrent jamais
Contrairement aux clichés répétés par certains militants, l’INSEE démontre :
Les personnes d’origine maghrébine figurent parmi :
- les plus diplômées,
- celles qui accèdent le plus aux études supérieures,
- celles qui progressent rapidement vers les professions intermédiaires et supérieures.
Cette ascension réelle est constamment occultée dans les discours politiques anxiogènes.
Et lorsque des structures éducatives musulmanes apportent justement cette réussite, elles sont combattues ouvertement, voire menacées de fermeture.
5. Le paradoxe de Damien Rieu : dénoncer un “manque d’intégration” tout en refusant les conditions de l’intégration
On ne peut pas :
- dénoncer l’“échec” d’une diaspora,
- tout en détruisant les mécanismes mêmes qui permettent la réussite d’une autre diaspora.
C’est exactement ce que fait Damien Rieu.
Il refuse pour les Maghrébins ce qu’il admire chez les Asiatiques.
Il fustige le “communautarisme” chez les uns, tout en admirant — sans le dire — les bénéfices du communautarisme chez les autres.
Il condamne la présence musulmane, tout en valorisant les résultats d’une communauté qui réussit précisément parce qu’elle est communautaire.
C’est une contradiction majeure.
6. Le discours de Damien Rieu masque la réalité : la variable “culture” n’explique pas l’intégration — le traitement politique, si
Ce que montrent tous les travaux sérieux :
- La réussite ou la difficulté d’une diaspora n’est pas due à une essence culturelle.
- Elle dépend :
- du contexte d’arrivée,
- du traitement institutionnel,
- des possibilités de se structurer,
- du regard social,
- des conditions économiques,
- de la discrimination ou non,
- de l’accès au logement, à l’école, à l’emploi,
- et de la manière dont l’État accompagne ou entrave ces communautés.
C’est cela, la réalité sociologique.
Pas les slogans.
Conclusion : une affirmation idéologique, pas une analyse
Damien Rieu utilise la “réussite asiatique” comme un argument politique pour essentialiser des populations entières :
- Les uns seraient “naturellement” intégrables.
- Les autres seraient “naturellement” problématiques.
C’est non seulement faux, mais dangereux.
La vérité est simple :
Les diasporas réussissent lorsqu’elles sont autorisées à se structurer, à s’entraider, à transmettre leur culture, à construire des réseaux et à utiliser leurs ressources internes.
Ce que l’on valorise chez certains, on l’interdit aux autres.
Les écarts qui en résultent ne sont pas “culturels”, mais politiques.
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